LOUIS XIII, SA VIE
ANNE D'AUTRICHE
RICHELIEU ET LA REINE : MESENTENTE ET INTRIGUES
Les raisons de l'antagonisme qui oppose Anne d'Autriche et le cardinal de Richelieu sont nombreuses et variées. D'un côté, un parti des "Dévots", qui s'est constitué autour de la reine-mère, Marie de Médicis, et de la reine elle-même, rassemble nombre de mécontents qui doutent des qualités de Richelieu.
Ces "Dévots", appartenant à
la noblesse catholique et à l'Eglise, sont impliqués de longue date dans les affaires du
royaume.
A mots couverts, ils défendent les mêmes options politiques; une alliance avec les pays
catholiques d'Europe, une réduction des impôts, une justice efficace c'est-à-dire sans
largesse, et une tolérance moindre à l'égard des protestants.
Or Richelieu (qu'ils ont contribué à mettre en faveur auprès de Louis XIII) les
déçoit de plus en plus. En effet, celui-ci négocie avec les huguenots (protestants)
français et envisage des alliances avec les royaumes protestants du nord de l'Europe.
En outre, il défie la puissante Espagne
catholique, le pays où la reine est née et a grandi. Par delà ces ressentiments
politiques, Anne d'Autriche est également animée par des sentiments plus intimes. A son
grand dégoût, Richelieu se serait épris de sa royale personne! Le cardinal serait venu
lui déclarer sa passion enflammée; passion à laquelle la reine aurait répondu par le
plus haut dédain, en feignant de n'avoir rien entendu. C'est du moins l'histoire,
savamment entretenue par les ennemis du cardinal, qui circule à la Cour.
En fait, il est étonnant que le cardinal
de Richelieu ait pu s'amouracher de la femme dont il a le plus à craindre. Au contraire,
il semble bien qu'Anne d'Autriche lui ait tendu à plusieurs reprises des pièges
destinés à le compromettre. Ainsi, en avril 1631, Mirabel, l'ambassadeur d'Espagne,
transmet au ministre les plaintes de la reine lui reprochant son absence. Richelieu prend
note mais s'abstient de rendre visite à sa souveraine.
Si, cette fois, le cardinal a flairé le traquenard, il n'a pas toujours été aussi
perspicace et avisé à l'égard des femmes et de leurs intrigues.
En 1626, Madame de Lannoy, dame d'honneur de la reine, meurt. Madame de Fargis lui
succède. Le cardinal compte sur elle, qu'il a soutenue malgré sa faible extraction, pour
espionner la reine. Mauvais calcul! Madame de Fargis passe immédiatement du côté
d'Anne d'Autriche qu'elle assiste dans sa correspondance secrète avec Madame de
Chevreuse. De plus, la nouvelle dame d'honneur ne manque pas une occasion de médire au
sujet de Son Eminence.
Le 11 novembre 1630, la Journée des Dupes (célèbre journée où les adversaires de
Richelieu crurent bien l'emporter) ruine la position des "Dévots". En
décembre, Richelieu demande le renvoi de Madame de Fargis. Anne est furieuse. Mais Louis
XIII ne cède pas aux supplications de la reine et la jeune femme quitte bruyamment la
cour. Anne d'Autriche perd ainsi une amie proche ainsi qu'une complice pour imaginer de
nouveaux complots, même s'ils sont sans lendemain.
Sitôt Madame de Fargis partie, la reine
entame avec elle une correspondance que Richelieu n'apprécie guère. Anne d'Autriche
pense que sa naissance la protège du sort qui a été réservé à sa belle-mère, Marie
de Médicis (qui, exilée à Bruxelles, mourra dans le dénuement). En outre, Anne
d'Autriche compte sur l'appui de son frère, le cardinal-infant Ferdinand, nommé gouverneur des
Provinces-Unies en cette année 1633. De 1634 à 1637, la reine écrit de nombreuses
lettres qu'elle transmet secrètement à Ferdinand. La guerre étant déclarée entre la
France et l'Espagne, il n'est pas question de correspondre officiellement avec l'ennemi.
Au long de ces nombreux courriers, la reine s'épuise en jérémiades et lamentations,
contant par le menu les misères dont elle se croit victime et conspuant Richelieu.
Parallèlement, elle poursuit ses échanges épistolaires avec la comploteuse Madame de
Chevreuse (laquelle joue de son influence pour fomenter quelque mauvais coup) et avec
Madame de Fargis qui, au nom de leur ancienne connivence, l'accable de requêtes
personnelles.
Ces longues années de plaintes prennent fin en 1638, lorsque naît l'héritier tant
attendu, le futur Louis XIV. La maternité a rendu la position de la reine plus assurée,
ce qui l'incite à délaisser ses manigances obsessionnelles contre le cardinal.
Page MAJ ou créée le 1999