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ANTOINE DE BOURBON MORTELLEMENT BLESSE AU SIEGE
DE ROUEN
Longtemps, Antoine de Bourbon Vendôme,
roi de Navarre, a balancé entre catholicisme et protestantisme. A la
fin de l'Année 1562, lieutenant général du royaume, il
a clairement pris le parti du roi et de l'Eglise romaine. Mi-octobre, le père
du futur Henri IV est mortellement blessé lors du siège de Rouen.
Fin août 1562, Antoine de Bourbon Vendôme,
roi de Navarre rentre d'une opération militaire sur la Loire et passe
par Montargis. Il vient visiter son fils, qu'il a confié à Renée
de France, duchesse de Ferrare; avec la fille de feu Louis XII, si respectée
des catholiques que des huguenots, Henri est en sécurité. Le garçonnet
a une méchante rougeole, mais supplie son père de le laisser l'accompagner
à la guerre. Demande d'un jeune prince rêvant de gloire militaire,
ou prière d'un enfant de huit ans éperdu de solitiude? Au reste,
que peut comprendre le futur Henri IV à ce conflit? Un conflit qui a
amené sa mère, l'exigeante Jeanne d'Albret, à prendre la
tête du camp protestant et son père à commander l'armée
catholique... Un conflit où Antoine de Bourbon, lieutenant général
du royaume, a pour adversaire son frère cadet, le prince Louis de Condé,
rebelle huguenot. Le roi de Navarre a souri à la demande de son fils,
qu'il a naturellement laissé à Montargis. Puis, il est parti pour
la Normandie, où l'armée royale veut reprendre Rouen aux huguenots
et aux contingents anglais envoyés en renfort par la reine Elizabeth
1ère. Le petir prince ne reverra plus son père vivant.
Le 27 septembre, les troupes catholiques
sont devant Rouen, énergiquement défendue par le comte Gabriel
de Montgomery. Alors que s'engage une lutte acharnée, Catherine de Médicis,
au mépris du danger, encourage les hommes de l'armée royale. Antoine
de Bourbon a l'habitude de s'exposer audacieusement en première ligne
comme un simple fantassin. Le 16 octobre 1562, il visite les tranchées,
exposées de plein fouet aux tirs des défenseurs de la cité
normande. En début d'après-midi, comme il vient de s'écarter
du talus protecteur pour satisfaire un besoin naturel, il est pris sous le feu
d'une arquebuse. Touché à l'épaule gauche, il est jeté
à terre sous la violence du choc. La blessure ne paraît pas trop
grave. Mais on ne parvient pas à extraire la balle, qui s'est logée
dans la tête de l'humérus. Si la plupart des chirurgiens se montrent
optimistes, le célèbre Antoine Paré est plus réservé.
Pour lui, "toutes les plaies faites au grandes jointures et principalement
les plaies contuses sont mortelles". Quatre jours plus tard, en présence
du roi et de la reine-mère, il confirme son diagnostic, qui va à
l'encontre de l'avis de tous ses confrères. Le 26 octobre, l'armée
catholique triomphe de la résistance rouennaise. Antoine de Bourbon veut
lui aussi célébrer cette victoire. Après qu'on a démoli
le mur de sa chambre et sorti son lit, il a la satisfaction de faire un tour
de ville, au son des tambours. Mais l'état du blessé s'aggrave,
l'infection gagne. Oubliant leur discorde, le roi de Navarre réclame
sa femme. Jeanne d'Albret, qui a été bannie de la Cour et a regagné
le Béarn, dépêche un émissaire. Mais elle tarde à
venir...
Elle expliquera plus tard son absence par
un malheureux concours de circonstances. Elle aurait reçu du gouverneur
de Bordeaux des nouvelles rassurantes sur l'état du blessé qui
l'auraient convaincue de ne pas entreprendre ce long voyage. Ou peut-être
éprouve-t-elle toujours de la rancune contre cet époux inconsistant
(en religion comme en amour) qui l'a beaucoup déçue et rêve
de se débarrasser d'elle? Sans doute aussi n'a-t-elle guère apprécié
qu'Antoine de Bourbon ait fait mander à son chevet sa maîtresse,
Louise de La Beraudière, dite "la belle Rouet". L'armée
royale ne s'attarde pas à Rouen. Le 15 novembre, le blessé est
embarqué sur une galère qui remonte la Seine. La gangrène
a fait des progrès foudroyants et deux jours plus tard, à la hauteur
des Andelys, le roi de Navarre, âgé de quarante quatre ans, rend son dernier
soupir. Dans la fièvre et le délire de l'agonie, ses familiers
ont cru percevoir qu'Antoine de Bourbon est revenu au protestantisme. Avant
d'embarquer, il s'est confessé et a reçu la communion d'un prêtre.
Mais il a exprimé ensuite le souhait de vivre dans la religion d'Augsbourg
(la luthéranisme). A bord de la galère qui le conduit vers Paris,
il s'est fait lire les Ecritures par son médecin calviniste. Au moment
de rendre l'âme, il a appelé son valet italien et, le prenant par
la barbe, lui a demandé : "Servez
bien mon fils et qu'il serve bien le roi". Tels
ont été les derniers mots d'un homme à qui la postérité
reconnaîtra pour principal mérite d'avoir engendré le futur
Henri IV. Voltaire rapporte l'épitaphe sarcastique qu'on a brodée
autour des circonstances triviales de sa blessure mortelle : "Ami français,
le prince ici gisant / vécut sans gloire et mourut en pissant".
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