LOUIS XV, LES ARTS ET LES SCIENCES
FONDATION DE LA CRISTALLERIE DE BACCARAT
En 1760, la fermeture des salines de la châtellerie de Baccarat, propriété de l'évêché de Metz, provoque une grave crise économique dans la région. Devant l'ampleur du désastre, l'évêque de Metz, Louis de Montmorency Laval, se doit de développer au plus vite une industrie nouvelle. L'artisanat du verre étant bien implanté en Lorraine, il se tourne tout naturellement vers cette activité, qui permettra en outre d'exploiter les ressources forestières locales comme combustible pour les fours. Le 16 octobre, en son Conseil, Louis XV autorise la création de ce qui va devenir la prestigieuse cristallerie de Baccarat.
Toute installation d'usine à feu doit être soumise à autorisation royale. Monseigneur de Montmorency Laval la sollicite donc en adressant une pétition à Louis XV : "La France manque de verrerie d'art et c'est pour cela que les produits de Bohême y entrent en si grande quantité, d'où il suit une exportation étonnante de deniers au moment où le royaume en aurait cependant si grand besoin pour se relever de la funeste Guerre de Sept Ans". Le roi, soucieux de la prospérité de son royaume, se laisse convaincre et, le 16 octobre 1764, agrée la requête du prélat en son Conseil tenu à Fontainebleau. Il limite cependant à trois le nombre des fours qui pourront fonctionner simultanément.
La concurrence est rude entre les cristalleries de Bohême
et celles d'Angleterre, qui inondent la France et l'Europe de leurs produits.
Le rayonnement de la Cour de Rodolphe II à Prague au début du XVIIème siècle
a permis l'éclosion d'un brillant foyer artistique. La vogue du cristal de roche
taillé a favorisé les recherches pour obtenir un produit comparable, le "cristal
de Bohême", qui, au siècle suivant, supplante rapidement la verrerie vénitienne.
Mais c'est à l'Angleterre que l'on doit l'invention, en 1675, d'une technique
révolutionnaire : le cristal au plomb, mis au point grâce à l'ingéniosité d'un
industriel verrier, George Ravenscroft. De nouvelles formes ont ainsi été créées
en fonction de ce nouveau matériau, et le cristal anglais a séduit même l'Amérique
du Nord. Mais le secret de sa fabrication est jalousement gardé!
Au début
des années 1760, Louis XV est parfaitement conscient de l'importance de la création
d'une fabrique de verre dans laquelle des recherches pourront être entreprises
afin que la France puisse rivaliser avec les créations étrangères. Il est primordial
que le royaume garde sa place au sommet de la production artistique mondiale.
C'est alors que, outre la cristallerie de Baccarat, vont être fondées d'autres
grandes fabriques, comme la Manufacture de Vincennes, chargée de concevoir une
porcelaine capable de concurrencer les importations de Chine, ou la cristallerie
de Saint Louis, qui sera à la fois une alliée et une concurrente de celle de
Baccarat.
Les lettres patentes octroyées à Louis de Montmorency
Laval et nécessaires à l'ouverture de la fabrique sont enregistrées par le parlement
de Metz en février 1765. Reste à trouver un emplacement favorable à la production.
Le choix se porte sur le village de Baccarat, qui offre à la fois de l'espace,
de la main d'oeuvre et une rivière, la Meurthe, qui traversera bientôt la verrerie
et assurera le flottage du bois. Montmorency Laval s'entoure d'un technicien,
Antoine Renaut, et d'un financier, le seigneur de Corny. Chacun des trois associés
possède un tiers de la verrerie.
L'entreprise démarre en 1766 avec une production
de gobeleterie "façon de Bohême", de verre à vitre et de miroirs.
Ces produits assez courants sont de bonne qualité, mais ne peuvent en aucun
cas être comparés à du cristal. La fabrique connaît rapidement la prospérité,
mais les contrecoups de la Révolution vont durement l'affecter. La loi sur la
liberté du travail du 14 juin 1791, qui permet l'ouverture de nombreuses entreprises
et la création de nouvelles usines à feu en Lorraine, fait monter le prix du
bois. De plus, le 20 avril 1792, la déclaration de guerre de l'Assemblée Législative
au "roi de Bohême et de Hongrie", l'Empereur François II, isole le
pays face à une Europe qui désormais interdit toute importation de produits
français. La verrerie de Baccarat perd ainsi un important marché. La réquisition
des matières premières et le départ des jeunes hommes pour le front la conduisent
à la faillite. Elle est rachetée, change de mains à plusieurs reprises et vivote
ainsi jusqu'en 1816; sans avoir encore fabriqué de cristal!
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