LOUIS XIII, LES PERSONNALITES
BERNARD DE SAXE WEIMAR
BERNARD DE SAXE REFUSE DE CEDER BRISACH A LA FRANCE
Le 18 décembre 1638, la prise de la forteresse de Brisach par le duc Bernard de Saxe Weimar est accueillie avec ambiguïté par la France. Il s'agit certes d'une très grande victoire contre les Habsbourg. Mais elle confirme aussi les inquiétudes de Louis XIII et du cardinal de Richelieu : car le grand chef militaire n'entend pas céder ses conquêtes sans contrepartie.
Tout au long de l'année 1638, alors que le duc
Bernard de Saxe Weimar menait le siège de la forteresse de Brisach sur
le Rhin, ses relations avec Louis XIII se sont dégradées. En mai,
le vaillant militaire a envoyé à Paris le général
Von Erlach avec pour mission de transmettre son souhait de se faire remettre
les places alsaciennes conquises, surtout Brisach, et de sonder les intentions
des Français à ce sujet. Mais Louis XIII et le cardinal de Richelieu
ne promettent rien. Si bien que le duc de Saxe Weimar commence à négocier
avec Vienne pour se libérer de la tutelle française et mener à
long terme sa propre politique.
Lorsqu'il est entré au service de
la France en 1635, ce prince luthérien allemand l'a fait dans la perspective
d'obtenir le langraviat d'Alsace et Haguenau contre la promesse de se convertir
au catholicisme. Mais, dès 1737, il est évident que Richelieu
ne peut accepter qu'un prince allemand, même allié de la France,
règne entre Rhin et Moselle. D'autant plus que par son obstination à
poser ses exigences, Bernard de Saxe Weimar déplaît fort au roi.
Après la prise de Brisach, le 18 décembre
1638, le duc de Saxe Weimar, bien que malade, poursuit son offensive en Haute
Bourgogne, le long du Doubs et de la frontière, de Neufchâtel à
Pontarlier. Il conquiert Joux, puis la Franche Comté, où il défait
les Espagnols et les Lorrains. En un mois et demi, il s'empare de la partie
la plus riche du pays. Est-ce afin d'obtenir une monnaie d'échange, un
dédommagement pour Brisach et l'Alsace qu'il souhaite conserver? Qu'il
agisse dans ce dessein ou non, cela ne fait qu'accroître la mauvaise humeur
du roi. Le 27 décembre 1638, le chambellan de L'Isle, venu à la
fois le féliciter pour sa victoire à Brisach et sonder ses intentions,
assure le militaire de la bienveillance de Louis XIII, mais ne reçoit
en retour que de vagues déclarations de fidélité envers
le roi. A la Cour, le secrétaire d'Etat Noyers, ennemi de toujours de
Bernard de Saxe Weimar, soupçonne déjà le duc de vouloir
garder Brisach.
Lors d'une seconde ambassade, le chambellan de L'Isle le
presse de se rendre à la Cour. Le duc refuse : sa présence en
Alsace est plus immportante qu'une visite protocolaire. De chaque côté,
le ton monte : tandis que le cardinal de Richelieu s'étonne de ce refus
incompréhensible, le duc se plaint de l'insuffisance de l'aide qui lui
est accordée, alors que trois à quatre millions de livres
sont prêtes à être envoyées pour la cession de Brisach.
Finalement, Bernard de Saxe Weimar charge son fidèle
Von Erlach, devenu gouverneur de Brisach, de négocier. Celui-ci obtient
des subsides et promet en échange que la place restera sous l'autorité
du roi de France, à qui la fortresse reviendra automatiquement à
la mort du duc. En gage de reconnaissance de cette autorité, il accepte
une pension annuelle de la France en tant que gouverneur de la place. Cependant
il ne dit rien sur les intentions du duc de Saxe Weimar. Le prince, bien qu'affaibli
par la maladie, a fait son entrée solennelle dans la forteresse au son
du canon. Ses intentions sont claires : garder l'Alsace et les territoires habsbourgeois
du Rhin supérieur; il est prêt à abandonner la Franche Comté
en échange de subsides, exception faite de quelques place qu'il veut
donner à ses alliés en récompense. Il tient à garder
Brisach, encouragé en cela par les Suédois et les Anglais, qui
lui déconseillent de céder à la France. "Veut-on
faire de moi un esclave, moi qui combat pour la liberté? s'indigne-t-il.
Le roi m'a accordé l'Alsace par traité, et
en échange je l'ai servi fidèlement, j'ai versé mon sang
pour lui et sacrifié mon armée. Et maintenant, on veut me prendre
ce que j'ai gagné par la fortune de mes armes"!
Ces exigences
et ces velléités d'indépendance suscitent une vive inquiétude
chez le roi et chez son ministre.
Fort opportunément, la question
se trouve réglée le 18 juillet 1639 par la mort de Bernard de
Saxe Weimar, victime de la peste selon les uns, d'empoisonnement selon les autres.
Le 19 octobre, un traité est conclu avec le général Von
Erlach, par lequel la France reçoit la totalité des conquêtes
du duc de Saxe Weimar, tandis qu'en échange Louis XIII reconnaît
le rang, la position ainsi que les possessions (des biens offerts par le duc)
des officiers et des hauts serviteurs du défunt.
Page MAJ ou créée le 05/07/2004