LOUIS XIV, LES ARTS ET LES SCIENCES
ANDRE CHARLES BOULLE
En 1672, André Charles Boulle est nommé "premier ébéniste du roi". Fournisseur officiel de la Cour, il va perfectionner à un point extraordinaire la technique de la marqueterie sur bois précieux. De son atelier vont sortir les somptueux "meubles Boulle", qui resteront en vogue jusqu'à la fin du XIXème siècle.
Né à Paris en 1642, André Charles Boulle est issu d'une
famille de menuisiers sculpteurs originaire de Hollande. Après avoir été élève
à l'Académie de Saint Luc, qui regroupe les corporations de peintres et et de
sculpteurs, il s'est établi à l'enclos Sainte Genviève comme ouvrier libre en
peinture et marqueterie, et a été remarqué par le ministre Colbert, qui l'a
recommandé à Louis XIV comme "le plus habile dans
son métier".
En 1672, Boulle obtient de Sa Majesté le privilège
exceptionnel d'occuper un atelier dans les galeries du palais du Louvre et le
brevet de "premier ébéniste du roy", en
tant "qu'architecte, peintre, sculpteur en mosaïque,
ciseleur graveur, marqueteur, inventeur de chiffres". Fort de cette
qualification, il ouvre un vaste atelier et engage plusieurs ouvriers, tous
spécialisés dans un domaine précis, afin de pouvoir réaliser entièrement ses
meubles sans recourir à la sous traitance. Dès lors, fournisseur officiel de
la Couronne, il s'emploie à perfectionner une technique qui lui tient à coeur,
celle de la marqueterie d'écaille et de cuivre, qui va bientôt porter son nom.
Boulle n'est ni le premier ni le seul à réaliser des meubles
en bois précieux incrusté de cuivre, d'étain, d'ivoire, d'écaille, de nacre
ou de cuir. Mais il enrichit et perfectionne de façon extraordinaire cette technique
pratiquée depuis le XVème siècle en Italie et en Espagne. Il innove en préférant
à l'étain, le cuivre aux effets plus éclatants. Il invente le procédé de découpage
du "sciage en contrepartie", qui consiste à superposer une plaque
de cuivre et une feuille d'écaille, et à les découper en même temps suivant
le dessin choisi pour le décor. Il obtient ainsi deux découpes jumelles, sortes
de positif et de négatif appelés "première partie" et "contrepartie",
qui, imbrication parfaite des motifs les plus compliqués, peuvent être affectées
à deux meubles ou à deux décors, l'un à fond d'écaille blonde incrustée de cuivre,
l'autre à fond de cuivre incrusté d'écaille. Le magnifique mobilier sorti de
l'atelier de Boulle est de surcroît rehaussé de bronzes d'applique, somptueuses
pièces d'ornementation qui viennent renforcer les parties les plus vulnérables
et évitent le décollement des fragiles marqueteries.
La qualité et la magnificence
de ses meubles sont telles que l'ébéniste compte parmi sa clientèle non seulement
le Roi Soleil mais aussi tous les Grands du royaume et des Cours européennes.
Il reçoit de nombreuses commandes pour la décoration et l'ameublement du château
de Versailles. Avec son confrère Pierre Golle, il réalise les lambris et le
mobilier de l'appartement du Grand Dauphin. Pourtant, malgré son génie, son
talent et sa renommée, il se débat dans des difficultés funancières inimaginables.
Père de huit enfants, celu qu'on n'appelle plus désormais
que le "grand Boulle" est un collectionneur passionné et dépense des
sommes folles pour acquérir de splendides peintures, estampes, dessins et objets
d'art, sources d'inspiration pour son travail, mais ruineux pour ses affaires.
Il aurait même fait exécuter pour son propre usage des meubles aussi somptueux
que ceux qu'il livre à Versailles. De plus, la Couronne le paie presque toujours
en retard, ce qui n'arrange rien : il est plusieurs fois attaqué en justice
par divers créanciers, ainsi que par ses ouvriers à qui il n'a pas versé leur
salaire.
En 1715, malgré l'appui de Louis XIV, qui lui vient en aide à plusieurs
reprises en lui permettant de surseoir au paiement de ses dettes, l'ébéniste
se voit contraint de céder la totalité de ses biens à ses quatre fils. Cette
donation-partage lui permet cependant de continuer à diriger son entreprise.
Sous
la Régence, bien que septuagénaire, Boulle travaille toujours avec autant d'enthousiasme
et de créativité. Jamais découragé, pas même après le terrible incendie qui
ravage son atelier le 30 août 1720 et détruit une grande partie de ses collections.
Il fait reconstruire de nouveaux locaux, où il poursuit son oeuvre, et meurt
en 1732, à quelque quatre vingt dix ans.
Après une carrière exceptionnelle par son génie
et sa longévité, André Charles Boulle verra sa succession assurée par ses fils,
et les "meubles Boulle" resteront en vogue jusque sous le Second Empire.
En 1891, le nom du plus célèbre des ébénistes du Roi Soleil sera donné à l'Ecole
Boulle, école municipale d'ameublement fondée à Paris en 1886.
Page MAJ ou créée le 2002