LOUIS XVI, CHEF D'ETAT
LA CONSTITUTION CIVILE DU CLERGE

 

LE SERMENT D'ALLEGEANCE A LA NATION : LA REVOLUTION DIVISE LE CLERGE
(26 décembre 1790)

Le 26 décembre 1790, cinq mois après le vote de la Constitution civile du clergé, obligation est faite aux ecclésiastiques de prêter serment d'allégeance à la Nation. Le clergé se devise en "réfractaires" et en "constitutionnels". C'est le début d'un affrontement qui va dresser évêques contre curés et diviser la France.

"Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui m'est confiée, d'être fidèle à la Nation, à la Loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le roi". Tel est le serment que, à dater du 26 décembre 1790, doivent prêtre les ecclésiastiques.
La Constitution civile du clergé, votée le 12 juillet précédent, n'a toujours pas reçu l'aval du pape Pie VI. Or, les évêques ont enjoint les prêtres de réserver leur attitude jusqu'à la réaction pontificale. Rome tarde à se prononcer, et l'Assemblée s'impatiente. Pour elle, les ecclésiastiques sont désormais des fonctionnaires comme les autres, qui doivent donc prêter serment. Quant aux réfractaires, ils seront révoqués.

Le 26 décembre, Louis XVI, faute de réponse du pape, sanctionne le décret sur le serment. Le clergé a huit jours pour s'y soumettre. Entre cette date et le 4 janvier 1791, cent cinq députés ecclésiastiques, soit un tiers des élus du clergé, obtempèrent, avec à leur tête l'abbé Grégoire. Beaucoup sont sensibles à la pression populaire qui se manifeste dans les tribunes. Mais les autres résistent. Le dernier jour, on tente de les faire céder. A quatre exceptions près, c'est peine perdue. Avec les rétractations ultérieures, l'Assemblée ne comptera que quatre vingt dix neuf jureurs sur deux cent cinquante députés du clergé astreints au serment.
L'épiscopat refuse massivement de prêter serment. Seuls Talleyrand, Loménie de Brienne, Jarente, évêque d'Orléans et Lafont de Savine, évêque de Viviers, se conforment à la nouvelle loi. La mesure devise le clergé, entérinant et accentuant des antagonismes apparus dès le début de la Révolution. 1789 a vu le bas clergé s'opposer au haut clergé, déjà passablement discrédité et que Michelet dénonce dans son Histoire de la Révolution Française : "Le curé était plus plaisanté que haï. Les évêques (tous nobles alors, Louis XVI n'en faisait pas d'autres) ne se contentaient pas de leurs comtesses de province, qui faisaient les honneurs du palais épiscopal; ils couraient les aventures, les danseuses de Paris... Un épiscopat si mondain, qui se souvenait tout à coup de la religion, dès qu'on touchait à ses biens, avait vraiment beaucoup à faire pour renouveler dans les campagnes le vieux fanatisme".
Les curés "de base", eux, ont plutôt encouragé le tiers état à aller de l'avant. Aristocrate émigré, le comte Emmanuel d'Antraigues est  allé jusqu'à affirmer : "Ce sont ces foutus curés qui ont fait la Révolution".

Les réactions au serment provoquent également un clivage régional. On enregistre 8% de jureurs dans le Bas Rhin, 17% dans la Mayenne, 19% dans le Nord, 23% dans le Pas de Calais, 71% dans la Haute Saône, 84% dans le Cher, 90% dans le Loiret, 96% dans le Var. Les diocèses et séminaires gallicans, partisans d'une large indépendance vis-à-vis du Saint Siège, s'opposent aux ultramontains, majoritaires en Frandre, dans le Hainaut, l'Artois, la Franche Comté, la Lorraine et le Roussillon.
Le clergé se partage aussi entre orthodoxes et jansénistes. A l'exception de trois évêchés bretons, les diocèses de tradition janséniste sont beaucoup plus jureurs que les autres. Joue encore l'opposition entre catholiques et protestants : là où les deux confessions sont en contact, dans le Haut Languedoc, le Poitou, la Saintonge, l'Albinois, le Vivarais, le refus du serment est quasi unanime.
Les prêtres sont également sensibles à la pression populaire. On note une corrélation géographique entre le refus du serment et l'opposition traditionnelle au pouvoir central : le Grand Ouest, de la Normandie à la Vendée, le sud du Massif Central, le sud de l'Aquitaine et le Pays Basque. Une géographie contrastée s'affirme qui, si l'on en croit les comportements électoraux, subsiste encore de nos jours.
Au total on dénombre environ 45% de réfractaires. Le 10 mars le pape se prononce enfin : il condamne la Constitution civile du clergé. De nombreuses rétractations s'ensuivent. Dans un premier temps, les réfractaires sont tolérés. Mais la fuite du roi à Varennes, en juin 1791, et l'entrée en guerre de la France, en avril 1792, vont donner lieu à une répression de plus en plus grave; ce jusqu'au décret du 24 août 1792, qui somme les réfractaires de quitter le pays dans les quinze jours. Contraints à la prison ou, comme en Vendée, à la clandestinité, la plupart d'entre eux émigrent.

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