LES NOCES DE LYON
Après une longue attente, Marie de
Médicis rencontre enfin son époux, Henri IV. Mais le 17 décembre 1600, les cérémonies
lyonnaises du mariage font bien pâle figure par rapport aux fastes des fêtes
florentines qui les ont précédées. La comparaison avec l'Italie n'est pas en
faveur de la France et, déjà, un certain désenchantement se fait jour chez la
nouvelle reine.
Après les splendides cérémonies du mariage
par procuration offertes à Florence le 5 octobre 1600 par son oncle le grand
duc Ferdinand 1er de Toscane, Marie de Médicis embarque pour Livourne. Escortée
d'une suite de deux mille personnes, elle prend place à bord de la magnifique galère
royale affrétée par les Florentins, arborant soixante oriflammes, à la poupe recouverte
d'or et incrustée de deux cent treize pierres précieuses. Après quinze jours de navigation,
les voyageurs sont épuisés par le mal de mer. Marie de Médicis n'en a aucunement
souffert, et c'est tout sourires que, le 3 novembre, elle débarque à Marseille.
Le chroniqueur Pierre de l'Estoile la décrit dans son Journal comme une
majestueuse Vénus, vêtue d'une "robe
de drap d'or, coiffée haut à l'italienne, ses noeuds juste avec les cheveux
sans poudre, le visage sans fard; la gorge un peu ouverte, avec un rang de grosses
perles".
Dans la cité phocéenne, débordée par cet
afflux de grands seigneurs, la réception ne manque pas d'enthousiasme, mais
se révèle un peu brouillonne. Autre contretemps : le roi est absent. Henri IV
a une excuse : il mène la guerre en Savoie. Mais il faut plus que les Grands
du royaume délégués à Marseille pour amadouer la grande duchesse Christine de
Toscane, chargée de remettre sa nièce à son mari, et les agents de Ferdinand
1er, qui ont pour mission de ne donner qu'au roi les caisses de lingots et les
sacs de ducats de la dot. Encore ne savent-ils pas qu'au même moment le Béarnais
file le parfait amour avec sa maîtresse Henriette d'Entragues! Marie l'ignore
aussi. Bien qu'un peu déçue, elle n'est pas inquiète. Son époux n'a-t-il pas
multiplié les attentions à son égard? Ne lui a-t-il pas envoyé des "poupines",
des poupées habillées à la française, pour se familiariser avec la mode de son
nouveau pays? Elle a foi en ses excuses embarrassées, d'autant qu'il ne cesse
de lui adresser de tendres messages et l'a chaleureusement remerciée de lui
avoir envoyé, comme le veut la coutume chevaleresque, un ruban à ses couleurs
: "Je le mettrai sur mon habillement
de tête si nous venons à un combat, et donnerai des coups d'épée pour l'amour
de vous". Dans le froid de l'hiver, le cortège
remonte péniblement la vallée du Rhône. Ce désagrément est cependant compensé
par le triomphe que la cité pontificale d'Avignon réserve à la nouvelle reine
de France. Tandis que, offusquée de l'absence persistante du roi, la grande
duchesse de Toscane repart pour Florence, Marie fait son entrée à Lyon le 3
décembre, sous une profusion d'arcs richement ornés, dans une surabondance de
devises et de symboles lui rendant hommage. Mais les Italiens ne manquent pas
de noter une certaine pagaille dans le déroulement des honneurs rendus à la
souveraine. Ils y voient la confirmation de ce qu'on assure dans leur pays :
les Français sont décidément des rustres, et leurs organisateurs de fêtes ne
sont pas à la hauteur des festaiuoli florentins!
Et toujours pas d'Henri IV! Marie doit
se contenter de ses missives et, surtout, d'un superbe collier de diamants d'une
valeur de cent cinquante mille écus, une somme collossale. Enfin, le 9 décembre, le roi la
rejoint au palais de l'archêché de Lyon, où elle est hébergée. Le 17 décembre,
le couple royal se rend à la cathédrale Saint Jean pour y recevoir la bénédiction
du légat pontifical. Le roi de France porte une cape noire, un pourpoint et
des chausses en satin blanc brodées d'or. Marie de Médicis, pour la première
fois, arbore un grand manteau cramoisi semé de fleurs de lys d'or et une couronne
sertie de pierres précieuses. Elle porte cette lourde et encombrante tenue avec
une majesté que tous admirent. Les cérémonies cependant sont loin des fastes
de celles de Florence. Le prélat ne prononce qu'une messe basse. Aux yeux des
Italiens, le décor manque d'imagination, le festin de raffinement, et il est
perturbé par un désordre dans son ordonnancement qui choque les invités étrangers.
Marie elle-même ne semble "pas trop
joyeuse", remarque un chroniqueur italien. La nouvelle
reine ne reçoit pas de la Cour de France, dont les manières sont en ce temps
là assez familières et négligentes, les honneurs dont elle a l'habitude. Le
roi lui même semble manquer d'égards à son endroit. La suite la confirmera largement
dans cette désillusion...
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