LE MARIAGE DE GABRIELLE D'ESTREES
En juin 1592, Henri IV consent aux noces
de sa maîtresse bien-aimée, Gabrielle d'Estrées avec le
seigneur de Liancourt, pour qui cette union est une affaire fort rentable. Ce
mariage de pure convenance sera cependant annulé moins de trois ans plus
tard, le roi souhaitant légitimer le fils qu'il avait eu avec celle qu'il
envisage désormais d'épouser.
Henri IV a rencontré Gabrielle d'Estrées
à l'automne 1590 et lui a aussitôt voué un amour passionné.
Agée de dix sept ans, la fille d'Antoine d'Estrées, grand maître
de l'artillerie et gouverneur de La Fère, a été jeté
dans les bras du roi par sa famille, qui tire de la situation des avantages
substantiels. Durant ces années sombres, qui voient Henri aller d'une
ville à l'autre, elle suit son amant, qui ne supporte pas d'être
éloigné d'elle.
Cette liaison trop voyante, à laquelle l'entourage
du roi attribue les errances militaires de Sa Majesté (le siège
de Noyon préféré à celui de Rouen, plus logique,
permet notamment à Henri d'y nommer comme gouverneur le père de
sa belle), finit par indisposer ses amis et ses conseillers, protestants, comme
catholiques. Donner à Gabrielle un statut plus honorable en la mariant
atténuerait, espère-t-on, le scandale. Le 2 avril 1592, Henri
IV signe une ordonnance de paiement à Gabrielle de cinquante mille écus
sur les finances de Navarre. Il précise que cette somme est accordée
"en considération des services que Sa Majesté
a reçus et reçoit chaque jour du sieur d'Estrées"
et destinée à donner audit sieur "moyen
de colloquer ladite demoiselle sa fille en un tel lieu qu'il désire,
principalement en faveur du mariage qu'il entend faire d'elle avec le sieur
de Liancourt". Il donne ainsi son accord à la décision
prise par Antoine d'Estrées de marier Gabrielle à Nicolas d'Amerval,
seigneur de Liancourt et baron de Benais. Le fiancé a été
choisi dans l'entourage de la promise. Membre de la bonne noblese de Picardie,
de rang égal à celui de son futur beau-père, il est gouverneur
de Chauny. Il est par ailleurs parent par alliance de la famille d'Estrées,
puisqu'il est veuf d'une cousine issue de germains de Gabrielle. De sa défunte
épouse, il a eu deux filles. Agé de trente six ans, il est de
petite taille et d'un physique peu avantageux. La cérémonie
de mariage a lieu début juin dans une chapelle de la cathédrale
de Noyon. Les nouveaux mariés s'installent au château de Liancourt
où, dès le 10 juin, ils reçoivent la visite d'Henri IV.
Ce jour-là, le roi donne à son amante un château et une
seigneurie. Deux ans plus tard, il vendra à Liancourt la seigneurie de
Falvy sur Somme pour quatre mille écus, alors qu'elle en vaut douze mille.
Dès septembre, Gabrielle quite le château
de Liancourt et regagne Noyon, où l'attend le roi. Mais, bientôt,
cette situation ne convient plus à Henri IV, qui veut légitimer
César, le fils que sa maîtresse lui a donné en juin 1594.
De plus, il s'avère qu'à cete époque, si la maîtresse
est célibataire, le concubinage est mieux considéré que
l'adultère. En août 1594, Gabrielle présente une requête
en vue de son démariage; mais son mari tarde à répondre
aux convocations. C'est seulement quatre mois plus tard que s'ouvre le procès
en annulation de ce mariage factice. Il ne pose guère de problèmes,
sinon qu'il ne peut se dérouler comme il l'aurait fallu à Noyon,
où a eu lieu le mariage, la ville étant occupée par la
Ligue ultra-catholique. On choisit donc Amiens, où François Roze,
doyen de l'église, chanoine prébendé et official de cete
ville, consent, moyennant la promesse d'un important évêché,
à être délégué. Le 12 décembre,
Henri et Gabrielle arrivent à Amiens. Alors qu'elle vient pour faire
annuler son mariage, la favorite est reçue presque comme une reine! Quant
à Liancourt, la venue du roi le terrifie au point qu'il rédige
son testament. Il ne perd cependant pas tout sang-froid : il lègue à
ses filles tous ses biens, y compris ceux qu'a acquis Gabielle depuis leur mariage.
Il essaie de sauver son honneur en disant agir sur ordre du souverain; ajoutant
qu'il est contraint de se déclarer impuissant, alors qu'il est "puissant
et habile pour la copulation charnelle". Un motif plus sérieux
est cependant invoqué pour sauver cette farce du ridicule : selon les
lois de l'Eglise, un veuf ne peut se remarier avec une parente de sa première
femme. Or la première madame de Liancourt, Anne Gouffier, était
parente de Gabrielle. Le roi et sa maîtresse repartent sitôt l'enquête
achevée, sans attendre la sentence d'annulation, qui est signée
la veille de Noël et officiellement entérinée le 7 janvier
1595. Le mariage est "déclaré nul dès
le commencement, et par conséquent n'ayant jamais existé".
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