JACQUELINE DE BUEIL
Coureur de jupons incorrigible, Henri IV
s'entiche de Jacqueline de Bueil, une jeunette fort avisée. Avant de
céder aux avances du souverain, la demoiselle exige une dot et, pour
la bienséance, un époux légitime. Mariée le 5 octobre
1604, elle sera bientôt titrée comtesse de Moret et donnera le
jour à un fils. Mais elle courra à sa perte en se laissant courtiser
par d'autres gentilshommes.
"Celle-ci est une rufiane",
bougonne la reine Marie de Médicis. Son instinct lui souffle que la demoiselle
est des plus intéressées. Comment croire en effet que le coeur
de la ravissante Jacqueline de Bueil peut sincèrement battre pour Henri
IV? Elle a seize ans, il en a cinquante et un. Elle est fraîche et jolie,
il est ridé et grisonnant. Elle a beau laisser le souverain "couvrir
de baisers ses délicates mains", elle a beau sourire,
le charmant tableau sonne faux. Mais le roi est aveugle, ou préfère
l'être. Pour l'heure, il s'efforce surtout d'oublier Catherine Henriette
de Balzac d'Entragues, sa perfide et sulfureuse maîtresse, une fois de
plus compromise dans une conjuration, de surcroît contre lui-même,
qu'il a bannie de la Cour et exilée dans ses terres de Verneuil. Mais
la favorite le tenait par les sens, et la rupture est une souffrance. Alors
"soignant le mal par le mal", le
souverain s'est amouraché de la toute jeune Jacqueline, aux charmes si
prometteurs.
Néanmoins, avant de tomber dans les bras d'Henri
tout IV, Jacqueline de Bueil exige qu'on la marie à un gentilhomme de
bonne famille! Question de bienséance, déclare-t-elle. Avisée
ou bien conseillée, elle entend avant toute chose assurer son avenir.
Connaissant le caractère volage du Béarnais, ele craint peut-êre
de n'être qu'une passade. En outre, si elle est de bonne naissance (née
en 1588, elle est la fille de Claude de Bueil, seigneur de Courcillon et de
La Marchere), elle est surtout sans fortune. Or pour se marier, il faut une
dot... Toujours grand seigneur, le roi lui octroie trente mille écus
et lui trouve un époux en la personne de Philippe de Harlay Champvallon,
comte de Césy, "bon musicien et joueur de luth,
mais piètre de tout le reste", rapporte le mémorialiste
Pierre de L'Estoile. Le mariage est célébré le 5 octobre
1604, à six heures du matin à Saint Maur des Fossés. Là,
s'arrête la partition du "musicien". Le soir même, c'est
Henri IV qui franchit le seuil de la chambre nuptiale. Prié de s'éclipser,
Champvallon s'exécute sans faire d'histoire. Mais peut-il faire autrement?
"On dit qu'Henri ne fut pas long à se coucher
auprès de Jacqueline de Bueil et qu'il y demeura jusqu'à deux
heures après-midi du lendemain, à savourer les douceurs du déduit,
pendant que le mari postiche rongeait son frein dans un petit galetas au-dessus
de la chambre. Mais entre eux, il y avait le plancher", relate Pierre
de L'Estoile. Heureux, le roi l'est. A tel point que, le jour de l'an 1605,
il offre à Jacqueline de somptueuses étrennes : le titre de comtesse
de Moret et une bourse de neuf mille livres.
Une fois de plus, Marie de Médicis laisse éclater
sa colère. Le roi son mari n'en n'aura-t-il donc jamais fini avec ses
tumultueuses amours? Elle se croyait "débarrassée"
de la "d'Entragues", et voilà que "la de Bueil" la
remplace. La reine n'est pas au bout de ses peines. Ravissante, Jacqueline a
en outre l'attrait de la nouveauté. Toutefois, le roi aime Henriette
d'Entragues à la folie et, malgré sa trahison, la revoit. D'abord
en secret, puis sans plus se cacher. Ainsi, allant de l'une à l'autre,
il rend hommage à trois femmes à la fois! Et s'en accommode fort
bien! En mars 1607, la reine est sur le point de donner le jour au petit
Nicolas, duc d'Orléans, quatrième enfant du couple royal. La jolie
comtesse de Moret est elle aussi dans une "situation intéressante".
Le 9 mai, elle met au monde un fils, Antoine de Bourbon, comte de Moret, qui
sera légitimé en mars 1608. Cependant, elle aussi partage ses
faveurs. Et cela se sait. Henri IV apprend par son fidèle ministre Sully,
dont le réseau d'informateurs est très efficace, que la belle
se laisse compter fleurette, entres autres, par le jeune duc Claude de Cheveuse,
prince de Joinville. Devant sa colère, qui n'est pas feinte, la comtesse
de Moret le rassure : Joinville ne lui fait pas la cour, il veut l'épouser.
Voulant en avoir le coeur net, le souverain ordonne au prince d'acheter des
alliances: celui-ci rejoint immédiatement sa Lorraine natale. S'il
est amoureux de Jacqueline de Bueil, il ne désire en aucune manière
s'opposer au roi. Alors qu'Henri IV fait mine de croire aux arguments de sa
maîtresse, celle-ci se console vite avec un autre gentilhomme. Mais, cette
fois, l'amant trompé se fâche tout rouge et rompt aussitôt.
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