LOUIS XIV, CHEF D'ETAT
LA CABALE DES IMPORTANTS (Eté - 2 septembre 1643)

 

MAZARIN SUR LA SELLETTE

Régente, Anne d'Autriche a confié les affaires du gouvernement au cardinal Jules de Mazarin. Ce choix n'a pas l'heur de plaire à ses anciens amis et à de nombreux Grands. Au cours de l'été, dépités d'être ainsi écartés du pouvoir, les "Importants" vont d'abord tenté de faire pression sur la reine pour qu'elle se sépare de son ministre; en vain.

Anne d'Autriche, régente pendant la minorité du jeune Louis XIV, règne sur le royaume. Au cours du printemps et de l'été 1643, l'atmosphère se détend, le temps où le tout-puissant cardinal-ministre Richelieu gouvernait d'une main de fer s'éloigne peu à peu. Certes Mazarin est là en tant que principal ministre. Mais chacun songe qu'il est en poste pour une période d'essai : en position fragile, il peut être renvoyé du jour au lendemain. Ceux qui ont souffert de Richelieu reviennent à la Cour et se pressent autour de la régente pour recevoir pensions, charges, honneurs. "La reine est si bonne!" Certains signes ne devraient pourtant pas tromper. Le prince de Marcillac, le futur duc de La Rochefoucauld, vient réclamer le gouvernement du Havre, sûr d'être satisfait : "Il y avait dix ans qu'elle [la régente] me tenait particulièrement pour son serviteur, et six ou sept ans qu'elle me nommait tout publiquement son martyr". Mais, il doit déchanter; la duchesse d'Aiguillon, nièce préférée du défunt Richelieu détient déjà ce gouvernement, et Anne d'Autriche refuse de le lui enlever.

Tous les anciens amis revenus d'exil ne vont pas tarder à s'apercevoir qu'on a changé leur reine! Madame de Sénécey, son ancienne dame d'honneur, Marie de Hautefort, l'amie, madame de Chevreuse, la "conseillère" en complots, qui pensaient reprendre près d'elle la place qu'elles détenaient avant d'être exilées par Louis XIII et le cardinal Richelieu doivent se rendre à l'évidence. Ce n'est plus la jeune reine isolée, délaissée, humiliée qui traitait ses amies comme des égales et se laissait entraîner par elles à comploter contre l'ennemi, contre Richelieu. Non, elle est maintenant la mère du roi, au nom de qui elle détient le pouvoir; un pouvoir qu'elle est décidée à exercer avec le ministre qu'elle s'est choisi. Certes, Anne d'Autriche est ravie de retrouver ses amies, mais celles-ci doivent dorénavant garder leur rang. Outrées par cette "ingratitude", ces dames se retournent contre Mazarin, celui qui poursuit la politique de Richelieu, une politique de centralisation de la monarchie aux dépens du pouvoir des Grands.
La duchesse de Chevreuse n'a aucun mal à trouver des alliés parmi les anciens membres du parti dévot qui veulent la paix avec l'Espagne à tout prix (juste au moment où le duc d'Enghien vient de s'illustrer à la fameuse bataille de Rocroi), les ecclésiastiques proches de la reine, les évêques de Beauvais et de Lisieux. Elle trouve aussi un allié en la personne du duc François de Beaufort, petit-fils d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrées, issu de la Maison de Vendôme, qui vient de perdre le gouvernement de la Bretagne et la direction de l'artillerie, là encore au profit de parents de Richelieu. Ils forment bientôt le clan des "Importants", et leur premier éclat est de lancer une campagne de calomnie contre Mazarin et la reine. Le cardinal est un homme encore jeune et séduisant. Sous couvert de garder la reine de se "compromettre" avec lui, ils exploitent ce fait en calomniant leur relation.

Anne d'Autriche est alertée par son valet La Porte de ne pas renouveler les fautes de Marie de Médicis, comparant ainsi Mazarin et Concini : "Quelles fautes? D'avoir fait mal parler d'elle et de cet Italien?", s'indigne la reine dont la réputation est en jeu. Tous relaient la rumeur, même les bénédictins du Val de Grâce, ses confesseurs et Vincent de Paul, qui s'allie avec la duchesse de Chevreuse pour prêcher la vertu à la reine, ce qui ne manque pas d'être cocasse! Anne d'Autriche, qui n'a rien à se reprocher, ne saisit pas immédiatement la gravité des accusations. Jusqu'à ce qu'une vraie amie de longue date, madame de Brienne, prenne son courage à deux mains et lui révèle ouvertement les bruits qui courent sur elle. La reine rougit, mais la réaction n'est pas celle qu'attendaient les Importants. Fière et obstinée, autant que son défunt mari, la souveraine met un point d'honneur non seulement à ne pas renvoyer Mazarin, mais au contraire à se l'attacher encore plus. Certes, elle s'obligera dorénavant à davantage de retenue et de froideur dans ses relations avec le ministre, mais c'est un échec pour les comploteurs. Ceux-ci en viennent alors aux menaces. Un beau jour, au moment de se mettre à table pour dîner, Anne d'Autriche trouve sur son couvert un billet anonyme : "Madame, si vous ne vous défaites du nouveau cardinal, on vous en défera".

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