LOUIS XIV, CHEF D'ETAT
LA CABALE DES IMPORTANTS (Eté - 2 septembre 1643)
L'ARRESTATION DU DUC DE BEAUFORT
Quand la monarchie rassemble et "ligote" les Grands à la Cour, une méchante querelle entre courtisans tourne au règlement de comptes politique. C'est ainsi que le cardinal Mazarin va se trouver menacé de mort. Mais le sinistre dessein des "Importants" sera éventé; et, tandis que le duc François de Beaufort est arrêté le 2 septembre 1643, ses complices seront condamnés à l'exil.
Avant d'épouser Anne Geneviève de Bourbon (la plus belle
femme de la Cour) le duc de Longueville était l'amant de la duchesse
de Montbazon. Délaissée, celle-ci s'est "rabattue" sur
le duc de Beaufort, tout en nourissant une grande jalousie envers celle qui
l'a éclipsée. Car, en plus d'être belle, Anne Geneviève
de Bourbon a un autre défaut : celui d'appartenir à la Maison
de Condé, authentique Maison royale, alors que celle de Vendôme,
à laquelle appartient Beaufort, descend du roi Henri IV et de sa maîtresse
Gabrielle d'Estrées.
Aussi, quand en août 1643, la duchesse de
Montbazon découvre des lettres d'amour dans son salon, s'amuse-t-elle
avec son amant à les attribuer à la duchesse de Longueville, qui
les aurait écrites à Maurice de Coligny. Celle qui allait connaître
de nombreux hommes, qui tournerait la tête de Turenne et du prince de
Marcillac, est pour l'heure une épouse irréprochable. Maurice de
Coligny est très amoureux d'elle, certes, mais en silence! Cette histoire
a vite fait de s'envenimer et les insultes volent. La princesse douairière
de Condé exige que celle qui vient d'entacher l'honneur de sa Maison
fasse des excuses publiques, sinon les Condé quitteront la Cour.
Anne
d'Autriche doit arbitrer. Et l'orgueilleuse duchesse de Montbazon est contrainte
de s'agenouiller devant la princesse douairière et de formuler un petit
discours qui a été collé au dos de son éventail
pour qu'elle ne puisse en changer un mot. Mais elle lit "de
la manière du monde la plus fière et la plus haute, faisant une
mine qui semblait dire : Je me moque de ce que je dis".
La réconciliation ne semble guère possible.
D'aleurs, quelque jours plus tard, dans les jardins des Tuileries, la duchesse
insulte la princesse et tient même tête à la reine. Elle
est aussitôt priée de s'exiler loin de Paris, à la campagne.
Son amant, le duc de Beaufort, est furieux. Bel homme, courageux, mais sot il
est décrit par le cardinal de Retz comme ayant un "sens
au-dessous du médocre" et par La Rochefoucauld comme
un "esprit pesant et mal poli". Il décide de se venger en éliminant
Mazarin, sans doute incité en cela par la duchesse de Chevreuse et d'autres
Grands du clan des Importants, qui ne cherchent qu'une occasion pour mettre
à exécution leur dessein de se débarrasser du ministre.
François
de Beaufort, petit-fils d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrées, a-t-il
eu vraiment la volonté de tuer Mazarin? On en a un temps douté,
d'abord parce qu'on ne prenait pas les Importants au sérieux, ensuite
parce que l'enquête n'a pas pu en apporter la preuve. Mais il y a de fortes
présomptions et les Mémoires de Campion font que le doute
n'est guère possible : il y aurait bien eu projet d'assassinat, et à
deux reprises. L'échec est peut-être dû autant à la
maladresse des exécutants qu'à la chance ou à la méfiance
du cardinal. En tout cas, l'affaire s'ébruite, des complices s'enfuient.
Beaufort lui, qui peu de temps auparavant se posait en galant de la reine, dédaigne
tout conseil de prudence et se pavane au lieu de se tenir tranquille. "On
n'oserait", clame-t-il. Mais Anne d'Autriche est décidée
à ne pas se laisser faire : "Vous verrez comme
je me vengerai des tours que ces méchants amis me font",
affirme-t-elle.
Le 2 septembre 1643, le duc de Beaufort est arrêté,
puis conduit au donjon de Vincennes, où il restera incarcéré
pendant cinq ans, jusqu'à ce qu'une spetaculaire évasion qui sera
racontée par Alexandre Dumas dans son roman Vingt ans après.
Les autres Importants sont dispersés : les Vendôme sont invités
à se retirer dans leur château d'Anet. César, le père
de François de Beaufort, préfère carrément s'exiler
en Italie. Après une longue explication avec Anne d'Autriche, la duchesse
de Chevreuse reçoit l'ordre de quitter la Cour; elle repart bientôt
pour Bruxelles, son port d'attache. Marise de Hautefort est pareillement condamnée
à l'exil.
Les prélats compromis, au premier rang desquels figure
monseigneur Augustin Potier, évêque de Beauvais, sont rappelés
dans leurs diocèses, où ils ont normalement obligation de résidence.
Ce qui permet à Mazarin de se débarrasser par la même occasion
des évêques de Limoges et de Lisieux, deux hommes influents auprès
de la reine. Ce coup de filet fait grand bruit, même si les mesures de
répression prises par le cardinal sont douces par rapport à celles
de son prédécesseur : il exile, certes, et met en prison, mais
c'en est fini des condamnations à mort par décapitation. Le ministre
prend bien garde de ne pas paraître triomphant. Pourtant il le pourrait
: il a désormais tout pouvoir auprès de la reine, et cinq années
de gouvernement tranquille s'annoncent.
Page MAJ ou créée le 2003