LOUIS XVI, LE PEUPLE

 

LE PEUPLE DE PARIS ENVAHIT LES TUILERIES
(20 juin 1792)

Le 20 juin 1792, à l'occasion de l'anniversaire du Serment du Jeu de Paume, les Sectionnaires s'en vont présenter une pétition à l'Assemblée législative et au roi. La foule qui les suit pénètre en force dans le palais des Tuileries et oblige Louis XVI à coiffer le bonnet phrygien. La manifestation destinée à intimider le roi, à obtenir la levée du veto et le retour des ministres girondins, manque de peu de tourner à l'émeute.

En guerre depuis avril, les soldats français ont dû battre en retraite face aux troupes coalisées de la Prusse et de l'Autriche. Le peuple de Paris crie à la trahison, conspue Marie Antoinette, accusée de faire cause commune avec l'ennemi, à qui elle a communiqué les plans d'attaque de l'armée révolutionnaire. On peste aussi contre "ce gros cochon de Louis" qui a opposé son veto aux décrets de l'Assemblée Législative prévoyant le bannissement des prêtres réfractaires et l'installation d'un camp de vingt mille fédérés destinés à protéger la capitale en cas d'invasion. En outre, le 13 juin 1792, "Monsieur Veto" a renvoyé les ministres girondins.
Afin d'intimider Louis XVI, d'obtenir la levée du veto et le rappel des Girondins au Gouvernement, on annonce, le 16 juin, que les sections des faubourgs Saint Antoine et Marceau iront présenter une pétition à l'Assemblée et au roi. La manifestation, qui doit se dérouler le 20 juin, à l'occasion de l'anniversaire du Serment du Jeu de Paume, est interdite par le Directoire du département. Les pétitionnaires, forts de l'autorisation de la Commune de Paris et du soutien passif des Girondins, maintiennent cependant leur décision.

Le 20 juin au matin, alors que la journée s'annonce radieuse, quelque vingt mille manifestants se regroupent faubourg Saint Antoine et à la Salpêtrière. Ils sont emmenés par le brasseur Santerre, commandant du bataillon des Quinze Vingts. En début d'après midi, la foule brutante et joyeuse qui a suivi les pétitionnaires envahit le jardin des Tuileries. Les Suisses étant à Courbevoie et la garde constitutionnelle n'ayant pas été convoquée, la résidence de la famille royale est sans défense. A un groupe qui attend au Carrousel, Santerre lance : "Pourquoi n'entrez vous pas"? Les Parisiens enfoncent les portes et investissent les Tuileries en hurlant : "Point de Veto"!, "Rappelez les ministres"! Dans le salon à l'Oeil de Boeuf, le roi a trouvé refuge dans l'embrasure d'une fenêtre. Là, juché sur une banquette, il est insulté, bousculé, mais sans jamais se départir de sa dignité. Aux menaces, il répond calmement : "Je n'ai pas peur; j'ai reçu les sacrements; qu'on fasse de moi ce qu'on voudra".

S'avançant au milieu de la cohue, Louis Legendre, boucher militant au club des Cordeliers et futur député de la Convention,déclare : "Monsieur"! A cette apostrophe, qui le rabaisse au rang de simple citoyen, le roi a un haut le corps. Mais son interlocuteur s'enhardit : "Oui, Monsieur, écoutez nous. Vous êtes un perfide; vous nous avez toujours trompés; vous nous trompez encore. Mais prenez garde à vous; la mesure est à son comble, le peuple est las de se voir votre jouet". Après que Legendre a lu la pétition au nom du peuple, Louis XVI, toujours impassible, se contente de répondre : "Je suis votre roi, je ferai ce que m'ordonnent de faire les lois et les Constitutions". Dans l'assistance échauffée, on s'exclame : "Allons, Monsieur, prenez le bonnet rouge qui est sur la pointe de cette pique". Avant de se coiffer de l'humiliant couvre chef, Louis XVI y rajoute une cocarde tricolore qui ornait l'épée d'une femme. Infiniment touché par ce geste, le peuple s'écrie "Vive le roi, vive la Nation"! Louis XVI a beau avoir bu à la santé de la Nation, son calvaire n'est pas encore fini.

Plein de curiosité, le peuple défile sans vergogne dans les appartements royaux. Insultes et commentaires fusent. Devant la couche du souverain, quelqu'un remarque : "Le gros Veto a un bon lit, meilleur, ma foi, que le nôtre". Dans la Chambre du Conseil, Marie Antoinette s'est réfugiée, elle aussi, dans l'embrasure d'une fenêtre avec sa fille et madame de Lamballe. Le petit dauphin, affublé du bonnet rouge, est grimpé sur la lourde table qu'on a hâtivement renversée afin de protéger la reine.
A six heures du soir, Lérome Pétion de Villeneuve, maire de la Commune de Paris, arrive aux Tuileries et engage la foule à quitter les lieux. "Citoyens, vous avez présenté votre pétition, vous ne pouvez aller plus loin. Le roi ne peut ni ne doit répondre à une pétition présentée à main armée. Il verra, dans le calme, ce qu'il a à faire. Le peuple a fait ce qu'il devait faire. Vous avez agi avec la fierté et la dignité d'hommes libres. Mais c'est assez, retirez vous".
A dix heures du soir, le calme est enfin revenu. Malgré les humiliations qu'on lui a fait subir, le roi n'a pas cédé. Pétion et Louis Pierre Manuel, procureur de la Commune de Paris, sont suspendus. Pour les révolutionnaires, cette journée du 20 juin 1792 se solde par un échec.

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