LOUIS XIII, LES ARTS ET LES SCIENCES

 

JACQUELINE PASCAL CHARME RICHELIEU

Blaise Pascal, génie précoce, a une soeur, Jacqueline, de trois ans sa cadette et surdouée comme lui. La reine Anne d'Autriche est charmée par les vers et le talent de cette jeune poétesse; comme le sera aussi, en avril 1639, le cardinal de Richelieu.

En 1636, à Paris, la famille Pascal assiste à des représentations des pièces de Georges de Scudéry, puis à celle du Cid, de Pierre Corneille. Etienne, le père, Blaise, le fils, Jacqueline et Gilberte, les deux filles, sympathisent avec le célèbre acteur Etienne Mondory, auvergnat comme eux, qui joue Rodrigue. Jacqueline a alors onze ans; Blaise, trois ans de plus. Lui s'annonce comme un génie des mathématiques et se méfie des arts du spectacle : "Tous les grands divertissements sont dangereux pour la vie chrétienne. Mais, entre tous ceux que le monde a inventés, il n'y en a point qui soit plus à craindre que la comédie", écrira-t-il plus tard.

Jacqueline, elle, sort de ces représentations profondément remuée. Elle vient de découvrir sa vocation. Dorénavant, elle ne vivra plus que pour la poésie et le théâtre, auxquels elle se consacre avec une passion exclusive et des dons étonnants : elle passe tout son temps à versifier, à apprendre par coeur des pièces entières. Peu après, Etienne Pascal est inquiété pour avoir protesté contre la réduction des intérêts versés aux détenteurs d'emprunts d'Etat, dont il est. Il est forcé de se cacher dans Paris, puis de se réfugier en Auvergne. En 1637, la stupéfiante facilité de Jacqueline à improviser des vers commence à être connue; une voisine des Pascal, Philiberte de Morangis, fait venir l'enfant chez elle et lui réclame un acrostiche sur son nom. Jacqueline improvise avec brio. Séduite, madame de Morangis présente la jeune poétesse à toutes ses relations. Elle en parle également à la reine Anne d'Autriche, à qui, à la fin du printemps 1638, elle demande pour Jacqueline une audience, immédiatement accordée. Les Pascal et leurs amis espèrent que la grâce du père en résultera. En juin 1638, l'enfant prodige arrive à la Cour, au château de Saint Germain en Laye. Là, elle entend les bruits qui courent : Anne d'Autriche, enceinte de sept mois, aurait ressenti les premiers mouvements de l'enfant qu'elle porte. Après vingt ans d'un mariage stérile, l'événement est capital. Aussi, lorsque madame de Morangis lui demande d'improviser des vers pour la souveraine, elle compose un Epitre sur le mouvement que la reine a senti de son enfant : "Cet invincible enfant d'un invincible père / Déjà nous fait tout espérer; / Et quoi qu'il soit encore au ventre de sa mère, / Il se fait craindre et désirer". La fillette obtient un franc succès. Anne d'Autriche lui réclame ensuite un poème en l'honneur de sa nièce, mademoiselle de Montpensier, la fille de Monsieur, âgée de onze ans. Cette fois, l'inspiration fait défaut à Jacqueline, qui ose alors avouer : "Muse, notre grande princesse / Te commande aujourd'hui d'exercer ton adresse / A louer sa beauté. Mais il faut avouer / Qu'on ne saurait la satisfaire".

Rires et applaudissements ponctuent cette prouesse. La reine, charmée, ne veut plus se séparer de sa petite poétesse, que des mousquetaires vont désormais chercher chaque matin et reconduisent chaque soir.
Revenu clandestinement à Paris, Etienne Pascal fait imprimer les vers de sa fille, qui remet la plaquette à la reine de la part de son père. En vain : Anne d'Autriche est tout absorbée par la préparation de la naissance du dauphin, qui vient au monde en septembre. Ses protecteurs présentent alors Jacqueline à Louis XIII, sans plus de résultats. En octore, la fillette est atteinte d'une petite vérole qui l'éloigne de la Cour. Mais elle guérit, y voit un signe du Ciel, reprend espoir et continue à écrire.
Toujours sous la protection de madame de Morangis, Jacqueline sollicite le soutien de Mondory, qui, au début du mois d'avril 1639, doit interpréter L'Amour tyrannique de Scudéry devant le cardinal de Richelieu et obtient de jouer le rôle de Cassandre. Richelieu applaudit avec enthousiasme. Tandis qu'on lui présente Jacqueline et Blaise Pascal comme les enfants d'un homme injustement poursuivi, Son Eminence n'a d'yeux que pour la charmante demoiselle au sourire renversant, qui lui récite des vers préparés à son intention : "Ne vous étonnez point, incomparable Armand, / Si j'ai mal contenté vos yeux et vos oreilles (...). / Mais pour me rendre ici capable de vous plaire, / Rappelez de l'exil mon misérable père".
Le cardinal n'n revient pas : cette jeune, jolie et talentueuse actrice est de surcroît une poétesse accomplie! Il accorde tout ce qu'on veut : en mai, il amnistie Etienne et le reçoit à son domicile de Rueil.

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Page MAJ ou créée le 2003

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