LOUIS XIV, SA VIE
1686 : L'ANNEE DE LA FISTULE DU ROI SOLEIL
En 1686 le règne de Louis XIV, souverain le plus puissant d'Europe, est à son apogée. Mais, bien que monarque absolu et de droit divin, le Roi Soleil n'en est pas moins homme et, comme tous ses semblables, sujet aux ennuis de santé. Loin de les cacher, il montre sans honte ses faiblesses, ses douleurs, ses maladies, voire ses infirmités. En 1686, le roi souffre d'une fistule anale, affection qui nécessitera une "grande opération" et alimentera à l'infini les conversations des courtisans et du bon peuple.
A la date du 5 février 1686, le marquis Philippe de Dangeau
note dans son Journal de la Cour de Louis XIV que "le
roi se trouve assez incommodé d'une tumeur à la cuisse et garda le lit tout
le jour". Dès lors, 1686 va devenir "l'année de la fistule"!
Bien qu'il ait la réputation d'être douillet et que le marquis de Sourches affirme
qu'il est "incommodé de toutes choses",
Louis XIV fait toujours passer ses devoirs de souverain en priorité, supportant
ses douleurs et se privant de repos si les destinées du royaume sont en jeu.
L'affection dont souffre le Roi Soleil, grand et fervent cavalier, serait due
à la pratique immodérée de l'équitation, à la chasse, en promenade, en voyage
et à la guerre.
Antoine d'Aquin et Charles Félix de Tassy, respectivement
médecin et chirurgien de Sa Majesté, essaient par tous les moyens dont ils disposent
de faire diminuer l'abcès, utilisant même la méthode de "l'insensible transpiration",
inefficace et réputée dangereuse. Finalement, le chirurgien prend la décision
d'utiliser la lancette, cet instrument tranchant qui fait si peur à ses contemporains.
Il a l'intention d'élargir la plaie afin de la cautériser et de la traiter en
profondeur. Mais ses soins sont sans effet et, au mois de mars, la rumeur court,
jusqu'à l'étranger, que le Roi Soleil va mourir.
Pour l'heure, la vie de Sa Majesté n'est aucunement menacée.
Mais la maladie a rapidement évolué en fistule anale, et une période difficile
commence pour le roi. Rémissions et rechutes se succèdent : le 30 mars, Louis
XIV peut faire quelques pas et, le 9 avril, une promenade en carrosse; le 13
avril, il sacrifie au rituel du toucher des écrouelles, et le peuple le croit
guéri; sept jours plus tard, il doit s'aliter et supporter de nouvelles incisions;
en mai, il marche avec facilité... Pour se sortir de ce cercle infernal et douloureux,
le souverain prend une grande et courageuse décision, celle de subir la "grande
opération".
Le Roi Soleil ne s'est pas résigné sous l'influence de Félix
de Tassy, terrorisé par la responsabilité qui lui incombe. C'est le marquis
de Louvois qui l'a encouragé à recourir à un traitement définitif. Malgré le
risque de complications et la terrible réputation de l'intervention, le ministre
est persuadé qu'il faut mettre fin à une situation insupportable pour le monarque,
mais également nuisible aux affaires du royaume et alimentant trop de rumeurs
à l'étranger.
Si le public n'ignore rien de la santé du roi, cette opération
reste un secret d'Etat. Seules six personnes sont au courant : Louvois, Monseigneur
le Dauphin, le fils de Louis XIV, la marquise de Maintenon, son épouse, le père
La Chaise, son confesseur, ainsi que son chirurgien et son médecin.
Le 17 novembre, au retour d'un pénible voyage à Fontainebleau,
le roi convoque ses médecins pour le lendemain matin à huit heures. Lorsque
les hommes de l'art, accompagnés de Bessière, le plus habile des chirurgiens
parisiens, entrent dans sa chambre, il dort encore, calme et confiant. Sitôt
levé, il s'agenouille pour prier et s'en remet complètement à Dieu. Pendant
toute la durée de l'intervention, Louis XIV tient serrée la main de son ministre
Louvois. Opéré sans anesthésie, il fait preuve d'un grand courage, ne crie pas,
ne se plaint pas...
L'opération ayant parfaitement réussie, le rituel du
lever de Sa Majesté peut se dérouler comme à l'accoutumée, avec seulement une
heure de retard. Entouré par ses proches et la foule des courtisans, le roi
supporte vaillamment sa douleur et, l'après-midi même, préside son Conseil.
Il y aura pourtant quelques complications : la plaie ne se referme pas bien,
et il faudra deux autres incisions, pour qu'à la Noël on déclare le souverain
guéri. "Cette guérison donna une extrême joie à tout
le monde car on peut s'assurer, sans vouloir flatter [le roi], que depuis les
plus grands seigneurs jusqu'aux derniers hommes de la lie du peuple, il n'y
en avait eu aucun qui n'ait eu d'extraordinaires inquiétudes pour sa vie et
les particuliers ayant à l'envi fait faire des prières pour sa conservation",
rapporte le marquis de Sourches.
Page MAJ ou créée le 2002