LA PAIX DE TURIN : LOUIS XIV OBTIENT L'ALLIANCE
DU DUC DE SAVOIE (29 août 1696)
L'Europe coalisée, qui affronte
Louis XIV dans la guerre de la Ligue d'Augsbourg, est désunie et accumule
les défaites. Le duc de Vendôme, qui commande l'armée royale
en Catalogne, vient d'infliger un sérieux revers aux Impériaux
du prince de Darmstadt. De son côté, le duc Victor Amédée
II de Savoie ne demande pas mieux que de négocier une paix séparée
avec la France. Le traité de Turin, signé le 29 août 1696,
va être le signal de la fin des hostilités. Il était temps,
car les sujets du Roi Soleil crient famine.
Depuis 1689, la guerre de la Ligue d'Augsbourg
fait rage. Louis XIV est confronté à la plus puissante coalition
qu'il ait jamais eu à combattre, réunissant l'Empire, la plupart
des princes allemands, la Suède, l'Espagne, l'Angleterre, la Hollande
et la Savoie. "Résolu à ne rien oublier pour donner la
paix à son peuple", il entend mettre à bas la "grande
alliance". Pour y parvenir, il va s'efforcer de semer la zizanie dans le
camp adverse. Le Roi Soleil a trouvé la proie idéale!
Le duc Victor Amédée II de Savoie, qui ne reçoit plus guère
de subsides de ses alliés, ne saurait lui résister bien longtemps.
Reste à l'amener à la reddition...
Louis XIV confie la conduite des opérations
contre la Savoie au maréchal Nicolas de Catinat, l'un de ses plus habiles
chefs militaires. Il met à sa disposition une "armée formidable",
composée d'une soixantaine de bataillons et de plus de quatre vingts
escadrons. En outre, il lui donne "des instructions secrètes, avec
des pleins pouvoirs pour négocier, et, si possible, conclure avec Monsieur
de Savoie". Très nettement supérieure en effectifs et
en équipement à celle du duc de Savoie, l'armée française
ne rencontre qu'une faible résistance. Après s'être rendu
maître de la Savoie et du comté de Nice, écrasant tout sur
son passage, elle fait route vers le Piémont. Là, elle atteint
le petit bourg de Casal et encercle presque le duc de Savoie qui s'y est replié
avec une partie de ses hommes. Catinat menace "de dévaster tout
et de couper sans miséricorde tous les mûriers de la plaine, qui
faisaient le plus riche commerce du pays par l'abondance des soies, et dont
la perte eût ruiné le duc de Savoie pour un siècle". Victor
Amédée de Savoie garde en mémoire les ravages causés
par les campagnes militaires françaises des années précédentes.
Il a "vu brûler ses plus belles maisons de campagne et les lieux
de plaisance qu'il avait le plus ornés". Il ne saurait accepter
que ses terres soient de nouveau dévastées et décide de
négocier une paix séparée avec la France.
Catinat sent les événements
tourner en sa faveur, mais ne peut assurer lui-même des négociations
de paix. Responsable d'une armée nombreuse et ne demandant qu'à
passer à l'offensive, le maréchal ne peut décemment s'absenter.
Bien avant de partir pour la Savoie, il s'est arrangé pour se faire accompagner
par un homme intelligent et de poids, apte à négocier en ses lieu
et place au nom du roi de France. C'est donc le lieutenant général
René de Froullay, comte de Tessé, qui est chargé de la
lourde tâche d'engager des pourparlers. Et, tandis qu'il se rend auprès
du duc de Savoie, Catinat se prépare au siège de Turin, comme
pour intimer l'ordre à l'adversaire d'accepter la paix. Le duc Victor
Amédée n'est plus en position de discuter. Il ne lui reste plus
qu'à négocier, en essayant d'obtenir des conditions aussi avantageuses
que possible. Heureusement pour lui, le but ultime de Louis XIV est de semer
la discorde parmi ses ennemis et non de le priver de ses Etats. Aussi, ni le
pacte secret du 29 juin 1696, ni la paix de Turin qui suivra le 29 août
ne seront humiliants pour le duc de Savoie. Non seulement la France lui rend
son duché, Nice et Villefranche, mais elle lui cède également
Casal, achetée au duc de Mantoue en 1681, et lui restitue la forteresse
de Pignerol. En outre, plusieurs articles du traité le considèrent
comme un allié et ses sujets viendront renforcer le contingent français
pour attaquer la Lombardie. Enfin, l'accord de paix sera scellé par le
mariage de Louis de France, duc de Bourgogne et petit-fils de Louis XIV, avec
sa fille aînée, Marie Adélaïde de Savoie. De cette
union naîtra le futur Louis XV. Le roi de France et ses fidèles
lieutenants ont atteint l'objectif qu'ils s'étaient fixé et n'ont
plus qu'à attendre les effets de leur manoeuvre politique sur la "grande
alliance". Ceux-ci ne tarderont pas à se faire sentir. A l'automne
1697, un an après la signature du traité de Turin, la paix de
Ryswick sera conclue et mettra fin à la guerre de la Ligue d'Augsbourg.
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