UNE SANGLANTE VICTOIRE
Afin d'obtenir un règlement avantageux
de la guerre de la Ligue d'Augsbourg, Louis XIV ne ménage pas ses efforts
pour mettre à mal son ennemi, le reste de l'Europe. Et chaque victoire
est un pas vers une paix plus honorable. Début 1693, le Roi Soleil crée
l'ordre royal et militaire de Saint Louis, le célèbre cordon rouge,
afin d'encourager ses lieutenants à ne jamais s'avouer vaincus. Le duc
de Luxemourg, qui, ce 29 juillet 1693 à Neerwinden, s'apprête à
faire définitivement entendre raison aux troupes de Guillaume d'Orange,
illustre à merveille la ténacité et le courage exigés
par le roi.
En ce mercredi 29 juillet 1693, l'armée
française vient d'enfoncer les lignes ennemies. La cavalerie a infiltré
les retranchements adverses et repoussé une partie des hommes de Guillaume
III d'Orange jusque dans une petite rivière, la Geete. Au cours de la
bataille, le prince de Conti a reçu un coup de sabre à la tête.
Heureusement, son casque lui a sauvé la vie et, malgré cette mésaventure,
il a pu se rendre maître "de tout le village de Neerwinden",
rapporte Saint Simon. Cette frayeur a aiguillonné son courage et va lui
permettre de mener à bien la périlleuse mission qui l'attend.
Sur les ordres du maréchal de Luxembourg,
qui commande les opérations, le prince de Conti doit prendre à
revers les troupes de Guillaume d'Orange. Entre les villages de Neerwinden et
de Neerlanden, celles-ci subissent les assauts répétés
et acharnés des cavaliers emmenés par le duc de Chartres, le futur
Régent de France. Luxembourg espère ainsi créer une diversion
qui permettrait à Conti de ne pas se faire repérer. Mais l'ennemi
(bien que sur le reculoir) restant groupé et discipliné, l'opération
va se révéler moins payante que prévu. Guillaume d'Orange,
qui jusque-là n'a commis aucune erreur, est surpris par le cours des
événements. "Etonné
que le feu continuel et si bien servi de son canon n'ébranlât point
notre cavalerie, qui l'essuya six heures durant sans branler, il vint aux batteries
en colère, accusant le peu de justesse de ses pointeurs".
Mais, force lui est de constater avec quelle vaillance et quelle bravoure les
fantassins français font fi de la pluie de boulets qui s'abat sur
eux! Aussi admiratif que résigné, il s'écrie : "Oh!
l'insolente Nation"! Il sait dès lors que
l'issue du combat ne lui sera pas favorable et met tout en oeuvre pour organiser
le repli de ses troupes. Dès lors, une véritable course contre
la montre s'engage. Les Français cherchant à faire autant de prisonniers
que possible, tandis que les Alliés s'efforcent de se ménager
une issue de secours. L'infanterie de Louis XIV est ralentie dans sa progression
par les "fortes haies" et les fossés environnant les bourgs
fortifiés et escarpés de Neerwinden et de Neerlanden. Sur l'aile
gauche, la cavalerie tarde, elle aussi, à se porter à hauteur
de l'adversaire. Tant et si bien que celui-ci parvient à s'échapper. Sachant
qu'ils n'ont plus rien à espérer de cette bataille, Guillaume
d'Orange et Maximilien Marie Emmanuel, Electeur de Bavière et gendre
de l'empereur Léopold 1er "se
retirèrent par des ponts qu'ils avaient sur la Geete".
Il est un peu plus de quatre heures de
l'après-midi. A l'issue de douze heures de combat "par
un des plus ardents soleils de tout l'été",
la bataille a pris fin. Mais "la quantité
prodigieuse de corps dont les rues, surtout celles de Neerwinden, étaient
plutôt comblées que jonchées, montrait bien quelle résistance
on y avait rencontrée : aussi la victoire si disputée coûta
cher", commente Saint Simon. De son côté,
Voltaire écrira dans Le Siècle de Louis XIV que "peu
de journées furent plus meurtrières. Il y eut environ vingt mille morts
: douze mille du côté des Alliés, et huit mille de celui des Français.
C'est à cette occasion qu'on disait qu'il fallait chanter plus de De
Profundis que de Te Deum". Sur le champ
de bataille, les soldats français s'employent jusqu'à la nuit
à évacuer les blessés. Puis l'armée du Roi Soleil
regagne son campement, où elle va pouvoir s'enorgueillir d'une victoire
chèrement payée. Dans ses rangs, tous reconnaissent le talent
de l'artisan de ce mémorable succès : le maréchal duc de
Luxembourg. A la Cour, l'historiographe de Louis XIV, le poète et
dramaturge Jean Racine, s'en fait l'écho, remarquant que "le
roi est transporté de joie, et tous les ministres, de la grandeur de
cette action". La victoire de Neerwinden et son
lot de morts inaugurent une période d'essoufflement de la guerre de la
Ligue d'Augsbourg. Au cours de l'année qui va suivre, les deux partis
vont montrer un intérêt grandissant pour la paix.
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Page MAJ ou créée le 1999
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