LA MORT DU CARDINAL
Premier ministre depuis quelque dix
huit ans, le cardinal Jules Mazarin sent que ses forces vont bientôt l'abandonner.
Il
va régler soigneusement ses affaires spirituelles et matérielles et laissera
au jeune Louis XIV un royaume au prestige et à la puissance restaurés. Et c'est
en paix avec sa conscience qu'il rendra son dernier souffle, au château de Vincennes,
dans la nuit du 8 au 9 mars 1661.
En 1660, la santé de Mazarin décline; la vie s'écoule pour Louis XIV, jeune
souverain de vingt et un ans, entre parties de chasse, divertissements musicaux et représentations
théâtrales. Pour le cardinal Mazarin, qui a entendu de son lit les Parisiens
acclamer le cortège nuptial, décline rapidement. Mais
le cardinal, qui est le maître du Gouvernement depuis près de dix huit ans,
peut cependant assister à la réalisation de deux de ses voeux les plus chers
: le mariage de Louis XIV avec l'infante Marie Thérèse, qui scelle le traité
des Pyrénées signé avec l'Espagne, et celui de Philippe d'Orléans avec Henriette
d'Angleterre, fille du roi Charles II. Au cours du printemps et de l'été
qui suivent la célébration débute une période très difficile. En février 1661,
il échappe de justesse à un incendie qui se déclare accidentellement dans la
galerie des Rois au château de Vincennes où il réside. Mais sutout, sa santé
l'inquiète car, depuis plusieurs mois, il a de plus en plus de mal à respirer.
Le verdict des médecins tombe, fort pessimiste : Il souffre d'une affection
pulmonaire incurable.
Chaque jour un peu plus faible, le cardinal est désormais
contraint de garder la chambre et de passer l'essentiel de ses journées alité.
Anne d'Autriche, qui n'ignore pas la gravité de sa maladie, vient chaque jour
lui tenir compagnie. Comme Louis XIV qui, à chacune de ses visites, écoute pieusement
les derniers conseils que s'attache à lui donner son ministre. Pour tenter
d'oublier ses terribles souffrances, Mazarin essaie de se distraire en lisant
des récits de voyages et d'aventures extraordinaires. Mais le père Bissaro,
son confesseur, resté constamment à son chevet depuis les premiers jours de
sa maladie, le convainc d'abandonner les ouvrages profanes pour de pieuses lectures. Les
médecins permettent de plus en plus rarement à leur patient de quitter la chambre.
Mazarin n'est guère autorisé, et encore très exceptionnellement, qu'à quelques
minutes de promenade en chaise à porteur, lors desquelles il dissimule les marques
de fatigue et de souffrance en se fardant le visage. Bientôt, l'heure n'est
plus à se distraire ni même à demander la guérison au Tout Puissant : la grâce
de bien mourir est tout ce qu'il faut obtenir. Dans les premiers jours de
mars, l'état de santé du cardinal s'aggrave. Les crises d'étouffement dues à
l'oedème pulmonaire se font plus fréquentes et prolongées. La Cour s'est installée
à Vincennes, et Anne d'Autriche passe ainsi l'essentiel de se journées au chevet
du malade. Durant de longues heures de veille, elle qui affirme ne pas être
une "pleureuse" ne peut pourtant retenir ses larmes.
Sentant sa mort prochaine, le cardinal insiste pour que
la reine-mère interrompe ses visites, arguant qu'il doit consacrer ses derniers
instants au salut de son âme. En plus du père Bissaro, il réclame à son chevet
le père Joly, qu'il apprécie particulièrement. "Monsieur
Joly, je vous ai envoyé quérir pour vous entendre me parler de Dieu",
soupire-t-il, avant d'inviter le religieux à lui expliquer les effets de l'extrême
onction, qu'il reçoit le lundi 7 mars. Le lendemain, éveillé dès six heures
du matin, il demande à entendre la messe et, après avoir imploré le Seigneur
de lui pardonner ses péchés, renouvelle les voeux de son baptême. D'heure en
heure, sa douleur se fait plus intense et sa conscience s'affaiblit. "Courage,
il faut souffrir! Je me réjouis que Dieu veuille bien conserver mon jugement,
afin de sentir mes douleurs et faire un peu pénitence", se répète-t-il.
Vers minuit, dans un souffle qu'il sent être l'un des derniers, il murmure à
Anne d'Autriche et à Louis XIV : "Je vais bientôt
finir, mon jugement se trouble. J'espère en Jésus Christ". A deux
heures du matin, le père Joly lui fait embrasser le crucifix et commence à réciter
la prière des agonisants. Le mourant tente vainement de se redresser et de parler,
puis s'effondre : son coeur a cessé de battre. Après avoir scrupuleusement mis
en ordre ses affaires spirituelles et matérielles, le cardinal Jules Mazarin
s'est éteint, à l'âge de cinquante huit ans et huit mois. Il laisse à Louis XIV un royaume
restauré et en paix, un territoire à l'abri des invasions et une solide formation
politique.
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