DANS LE PALATINAT, TURENNE PRATIQUE LA METHODE
DE LA "TERRE BRULEE"
Au début de l'été 1674, le théâtre d'opérations
de la guerre de Hollande se déplace vers le Rhin et les frontières de l'Est.
Pour empêcher les Impériaux de s'attaquer à la basse Alsace et d'avancer en
territoire français, le maréchal de Turenne se rend maître du Palatinat. Il
y met en oeuvre de façon systématique la tactique de la "terre brûlée".
Un épisode dramatique qui lui permettra de gagner le temps nécessaire pour obtenir
des renforts.
Depuis le mois de juin 1674, le Rhin et
les frontières de l'Est sont le principal théâtre d'opérations de la guerre
de Hollande. Chargé de couvrir l'Alsace pendant la conquête de la Franche Comté,
le maréchal de Turenne quitte la vallée du Rhin et passe le fleuve pour parer
une éventuelle attaque des Impériaux, rassemblés à Souches, sur la Moselle.
Mais l'ennemi ne semble pas vouloir s'en prendre à l'Alsace. Rassuré, Turenne
franchit de nouveau le Rhin aves seize mille hommes. Néanmoins, il doit à tout prix
échafauder une stratégie qui lui permettra d'assurer la protection des sujets
de Louis XIV vivant dans les régions frontalières.
Profitant de ce que l'ennemi n'a pas encore
regroupé la totalité de ses forces, Turenne lance l'offensive. Le 14 juin, après
avoir ampêché le duc de Lorraine de franchir le Rhin, il passe à son tour le
fleuve à Philippsbourg. Deux jours plus tard, il défait les troupes du général
de Bournonville à Sinzheim. Malgré cette victoire, il lui faut décider de la
suite dans les plus brefs délais, avant que le Impériaux n'aient reçu le renfort
du feld-maréchal de Montecuccoli. A situation désespérée, solution désespérée.
Turenne prend la résolution d'adopter la vieille tactique de la "terre
brûlée", jusque-là apanage des armées du Grand Turc. Grâce à la victoire
de Sinzheim, Turenne s'est rendu maître du Palatinat. Disposant de forces inférieures
en nombre à celles de l'ennemi, il entend dévaster cette région qui, au nord
de l'Alsace, s'étend sur les deux rives du Rhin entre le Neckar et la Moselle,
pour empêcher les Impériaux de l'utiliser comme base pour attaquer la Basse
Alsace. Il a d'autant moins de scrupules que l'Electeur palatin, père de la
princesse Palatine qui a épousé le frère du roi, est, bien que n'ayant pas les
moyens de défendre son pays, un adversaire acharné de Louis XIV. Faisant fi
des lois de la guerre entre chrétiens, le maréchal donne l'ordre, après avoir
fait évacuer les populations, d'incendier villages et récoltes. En quelques
semaines, avec l'aval de Louvois, le secrétaire d'Etat à la Guerre, il procède
à des destructions systématiques.
La manoeuvre est habile. Les troupes impériales
se ravitaillent habituellement dans les pays traversés et, désormais, elles
ne pourront plus trouver leur subsistance dans ces régions dévastées, pillées
et brûlées. En agissant de la sorte, Turenne compte aussi dissuader les princes
allemands de continuer à soutenir l'empereur Léopold 1er dans la guerre qui
l'oppose au roi de France. Le 27 juillet, le maréchal écrit au roi Très Chrétien
que "pour ce qui est des alliés, la
ruine du pays de monsieur l'Electeur palatin les refroidit bien plus qu'elle
ne les échauffe". Quant aux Impériaux, faute de
bénéficier pour l'heure de l'équivalent des munitionnaires français, qui pourvoient
les soldats et les chevaux en fourrage, incapables de survivre dans un pays
ruiné, ils sont contraints de renoncer provisoirement à la poursuite des opérations. Turenne
n'en demande pas plus. Le temps lui manque, et il lui faut convaincre Louvois
de lui envoyer des renforts et, pour ce faire, de lever l'arrière-ban. Au roi,
qui lui demande en août de se replier vers Brisach et Philippsbourg, il réplique
qu'on "ne quitte pas un pays, encore
qu'un ennemi soit plus fort, mais il faut être secouru et avoir ses derrières
renforcés". Il tente ainsi indirectement pression
sur Louvois, dont il espère un prompt secours en hommes et en matériels. Le
ministre finit par céder aux demandes insistantes et répétées de Turenne et
du Grand Condé. Il convoque tous les gentilshommes astreints au service militaire
personnel, qu'il place sous le commandement du maréchal de Créqui. Bien qu'elle
soit particulièrement cruelle, la pratique de la "terre brûlée" se
révélera payante. Louvois ne s'y trompera pas et, quelques années plus tard,
lors de la guerre de la Ligue d'Augsbourg, qui se déroulera de nouveau dans
le Palatinat, il ordonnera au maréchal de Duras d'y avoir recours.
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Page MAJ ou créée le 2002
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