LES BOURBONS
LOUIS XIV, LES PERSONNALITES |
JEAN BART, CORSAIRE DU ROI SOLEIL En 1650, Dunkerque est un modeste port de pêche. De vastes bancs de sable interdisent l'accès du port aux navires de grand gabarit. C'est dans cette petite ville où vivent déjà quelques "capres" (des corsaires) que naît celui qui va devenir, aux dires même de ses propres ennemis, "le plus grand pirate de Louis XIV" : Jean Bart. Jean Bart voit le jour en 1650, à Dunkerque, dans une famille comptant essentiellement des marins et des marchands, comme la plupart des enfants du pays. A peine deux ans après sa naissance, la ville est prise par les Espagnols aux Anglais, avant de passer aux mains des Français en 1658, puis d'être rendue aux Anglais et, enfin, rachetée par la France en 1662. Louis XIV y fait alors un bref voyage le 2 décembre et le petit Jean, alors âgé de douze ans, est certainement marqué par l'événement. La même année, il embarque, comme mousse sur le Cochon gras, un navire garde-côtes, sur lequel il apprend les rudiments de la navigation. En 1666, pendant la guerre entre l'Angleterre et les Provinces-Unies, il se trouve à bord des Sept Provinces, le vaisseau de l'amiral de Ruyter, un des plus fins stratèges hollandais. Jean Bart, alors adolescent, observe sa maîtrise tactique. En 1672, Louis XIV déclare la guerre aux Pays Bas et Jean regagne Dunkerque pour se mettre au service du roi de France. Le 2 avril 1674, Jean Bart commande le Roi David, un petit bateau armé de deux canons, et effectue sa première prise : du charbon de terre! En moins d'un an, le corsaire réussit sept belles prises. Un exploit que Colbert, alors ministre de la Marine, ne se prive pas de citer en exemple. La Gazette de France signale à son tour ses exploits et le public découvre Jean Bart, terreur de la Mer du Nord. Au printemps 1676, à la tête d'un navire de vingt six canons, la Belle Palme, escortée de quatre vaisseaux, il remporte une glorieuse victoire face à huit gros bâtiments hollandais. Le 21 novembre, il s'empare d'une cargaison de bois, de peaux et de cacao. Entre deux expéditions, Jean se marie avec Nicole Gouttière, la fille du tenancier d'une auberge de corsaires. Il reprend ensuite la mer mais, cette fois, à bord d'un vaisseau plus important, Le Mars, gros bâtiment armé de vingt six canons. Il refait très vite parler de lui en capturant un chargement de vins de Bordeaux. En septembre 1678, la paix de Nimègue met un terme à la guerre qui oppose la France aux Pays Bas. Près de quatre cents navires ont été capturés durant les six années de guerre. La paix revenue, Louis XIV vient en visite à Dunkerque en compagnie du commissaire général aux fortifications, Vauban. Ensemble, ils prennent la décision de fortifier la rade. Bloqué à terre en l'absence de guerre, Jean Bart délivre de précieux conseils à Vauban. L'été suivant, Louis XIV revient à Dunkerque, accompagné cette fois du marquis de Seignelay, fils et représentant de Colbert. Le roi se montre fort satisfait du résultat. En 1688, la guerre de la ligue d'Augsbourg éclate et Jean Bart reprend la mer à bord de la Railleuse en compagnie de l'un de ses amis corsaires, le chevalier de Forbin. Ils escortent tous deux une vingtaine de navires de commerce et sont financés par le nouveau ministre de la Marine, le marquis de Seignelay. Cette fois, la chance ne sourit pas au corsaire français. Assailli de toutes parts par des vaisseaux hollandais et anglais, il parvient à sauver les bateaux de commerce dont les cargaisons parviennent à Brest. Mais Jean Bart est capturé avec une vingtaine de ses hommes et du chevalier de Forbin. Retenus prisonniers à Plymouth, le petit groupe parvient à s'échapper et à rejoindre la France à bord d'une simple barque après cinquante deux heures de traversée à la rame! Dès leur retour, le ministre Seignelay, surpris de leur si prompte évasion, les nomme capitaines de vaisseaux et leur fournit de robustes frégates : l'Alcyon, le Conte, l'Hercule et l'Aurore. Les deux corsaires repartent au combat, enchaînant les victoires. En remerciement, Louis XIV lui verse mille écus et nomme son fils, François Bart, alors âgé de quatorze ans, garde-marine. Malgré les victoires répétées des corsaires français, les flottes militaires anglo-hollandaises se montrent plus fortes que l'amirauté française. Faute d'approvisionnement maritime suffisant, la famine gagne Paris. Alerté par la gravité de la situation, Jean Bart appareille à nouveau en mars 1674 et revient en France quelques jours plus tard avec cent soixante bâtiments chargés de blé acheté en Norvège. Après cet exploit, Louis XIV accorde à Jean Bart et à ses descendants des lettres de noblesse. Sa popularité est telle que les Grands du royaume (le duc de Bourgogne, celui d'Anjou, le prince de Conti) participent à l'armement de ses vaisseaux en contrepartie d'un tiers des prises. Le 26 septembre 1694, Jean Bart remporte sa dernière grande victoire en repoussant une attaque anglo-hollandaise contre Dunkerque, sa ville tant aimée. Peu avant la fin de la guerre, en 1696, il est fait chef d'escadre après avoir brûlé pas moins de cinquante cinq vaisseaux hollandais. Six ans plus tard, certain qu'une guerre à propos de la succession d'Espagne est imminente, Louis XIV ordonne l'armement préventif de tous les vaisseaux français. Malgré une mauvaise toux, Jean Bart affronte le gros temps pour inspecter le Fendant en rade de Dunkerque. Le redoutable marin en meurt quelques semaines plus tard, le 27 avril 1702. Il est âgé de cinquante deux ans. Inhumé à Dunkerque, en présence de son fils, François, du commandant de la Marine royale et d'une foule nombreuse, "le plus grande pirate de Louis XIV" laisse derrière lui de glorieux successeurs : le chevalier de Forbin, René Dugay-Trouin ou Jacques Cassard. Ce n'est que onze ans plus tard que, la lassitude aidant, le traité d'Utrecht met un terme définitif aux guerres navales entre Français et Anglo-Hollandais avec comme exigence la destruction des fortifications de Dunkerque si chères au coeur de Jean Bart. Page MAJ ou créée le 1999 |