LOUIS XIV, LES ARTS ET LES SCIENCES
JEAN BAPTISTE DE LA QUINTINIE

 

LES DELICES ET LES CURIOSITES DU POTAGER DU ROI

Louis XIV a rêvé d'un potager à son image : unique! Grâce aux bons offices d'un magicien en matière d'agronomie, Jean Baptiste de La Quintinie, le potager du roi à Versaille est non seulement unique, mais également révolutionnaire. A partir de 1683, dans ce laboratoire renommé dans toute l'Europe, on cultive l'art délicat et délicieux des primeurs.

Directeur des jardins fruitiers et potagers du Roi Soleil, Jean Baptiste de La Quintinie se livre, au détour des allées artistiquement ordonnancées du potager du roi à Versailles, à des expérimentations novatrices, notamment en matière de primeurs. Déjà, il a fait montre de son talent et de son savoir faire en fournissant la table royale en figues, un des fruits préférés de Louis XIV, avec deux mois d'avance sur la saison. Jamais à court d'idées, le premier jardinier du royaume s'emploie à amener les concombres à maturité dès le début avril. Grâce à ses savantes innovations, Sa Majesté peut se régaler de fraises en mars, de pois en avril, de cerises début mai. Quant aux laitues et aux asperges, on les récolte désormais entre décembre et janvier. Personne n'a jamais réussi un tel tour de force! Et toutes les Cours d'Europe pâlissent de jalousie devant les fruits et les légumes de Versaille. Au point que les méthodes de La Quintinie sont suivies par des imitateurs dont le maître déplore les erreurs. Car, en la matière, il ne suffit pas de copier, encore faut-il maîtriser les multiples techniques agricoles. Outre les expositions alternées, un procédé dont il est l'inventeur, et l'usage de cloches de verre, La Quintinie choisit avec soin ses engrais : telle espèce nécessite du fumier de boeuf, telle autre du crottin de cheval. Là aussi réside l'art du jardinier.

Louis XIV est enchanté par son potager. Il prend l'habitude de s'y rendre de plus en plus souvent, selon un itinéraire rituel. Il descend du château par les "cent marches" bordant l'orangerie. Depuis la grande grille de ferronnerie, il remonte une allée bordée de poiriers Robine jusqu'à la terrasse panoramique, d'où il peut admirer le vaste domaine où s'affairent une trentaine de jardiniers. Le roi, qui aime à converser avec La Quintinie, se renseigne sur tout et apprend même à tailler les arbres. Un intérêt qui ne manque pas d'émouvoir l'homme de l'art : "Comme mon bonheur ne vient que parce que  Votre Majesté est assez touchée des divertissements du jardinage, peut-être n'est-il pas hors de propos qu'on connaisse qu'elle sait quelquefois descendre de ses grandes occupations pour goûter les plaisirs de nos premiers pères". Non seulement Louis XIV est ravi des bons offices de son maître jardinier, mais encore il adore faire visiter son potager en grande pompe. Et c'est sous sa conduite et ses commentaires enthousiastes que le doge de Venise ou la délégation des ambassadeurs du Siam en découvrent les délices et les exceptionnelles productions.

Le verger est planté pour l'essentiel de pommiers et de poiriers. La Quintinie estime qu'un bon rendement peut être assuré par au moins une cinquantaine de variétés des premiers et par une vingtaine des seconds. Ainsi, le roi, qui raffole des poires, telle la variété "Bon Chrétien" très en vogue, peut en consommer diverses espèces tout au long de l'année. Il en va de même pour seize variétés de salades, fort prisées à la Cour. Les herbes et les aromates innombrables, du basilic à l'anis, de la bourrache à la pimprenelle, embaument tant dans les allées du potager qu'à la table de Sa Majesté.
On récolte également des pêches, qui, dans leur "jardin de biais", sont exposées à un ensoleillement maximal, des melons, des potirons, des salsifis. Au XVIIIème siècle, les successeurs de La Quintinie s'essaieront à la culture de la tomate et de la pomme de terre, ces "fruits exotiques" ramenés en Europe par les conquistadors espagnols. Et puis, il y a les pois! Malgré les admonestations de son médecin, le fameux Fagon, qui les trouve fâcheux pour la digestion royale, Louis XIV ne s'en lasse point, en fait bombance, en lance la mode. Dans sa correspondance, la marquise de Sévigné souligne ironiquement la gourmandise du roi pour cet humble légume : "Le chapitre des pois dure toujours; l'impatience d'en manger, le plaisir d'en avoir mangé et la joie d'en manger encore sont les trois points que nos princes traitent depuis quatre jours...".

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Page MAJ ou créée le 2002

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