LA MORT DE LA REINE
Le 26 juillet 1683, la reine Marie Thérèse
ressent un léger malaise. Bien qu'elle semble jouir d'une santé florissante,
le lendemain son état s'aggrave. Le surlendemain, elle est au plus mal et, le
30 juillet, elle s'éteint, dans sa quarante sixième année, laissant Louis XIV
sincèrement affecté par la perte d'une épouse infiniment pieuse et modeste.
Le 20 juillet 1683, Louis XIV et Marie Thérèse d'Autriche
sont rentrés à Versailles après un voyage en Bourgogne et en Alsace. La reine
a beau avoir pris un peu d'embonpoint, sa santé n'en paraît que plus florissante.
Le 26 juillet, pourtant, elle ressent une légère indisposition, à laquelle on
ne prête guère attention. Le lendemain et le surlendemain, elle est victime
de nouveaux malaises et en proie à un accès de fièvre. Appelé à son chevet,
Guy Crescent Fagon, premier médecin du roi, découvre une tumeur sous son aisselle
gauche. Diagnostiquant un "rhumatisme", il ordonne une saignée et
la pose d'un emplâtre humide.
Dans la nuit suivante, la douleur augmente et la tumeur
se présente sous la forme d'un abcès violacé et purulent. La malade endure son
martyre avec stoïcisme, s'en remettant aux mains de Dieu. Louis XIV, en larmes,
lui affirme avec délicatesse qu'il ne craint pas pour sa vie, mais qu'il est
désolé de voir souffrir un être qu'il chérit. Dans la matinée du 30 juillet,
les médecins éprouvent de sérieuses inquiétudes. Fagon et son confrère d'Aquin
délibèrent longuement. Après bien des hésitations, ils décident de recourir
à une nouvelle saignée... au pied. Chargé de mettre en oeuvre ce remède, le
chirurgien Gervais proteste avec vigueur contre cette pratique, qui risque d'aggraver
l'état de la patiente. Mais il doit obéir aux praticiens, ses supérieurs hiérarchiques.
Peu après la saignée, Marie Thérèse tombe dans une grande faiblesse. De plus
en plus inquiets, les médecins se réunissent et prescrivent un vin émétique.
A peine a-t-elle absorbé cette potion que la reine est secouée par d'incoercibles
vomissements. Affolé, Louis XIV se précipite à la chapelle du palais et,
interrompant les prières qui sont dites pour le salut de son épouse, somme l'officiant
de le suivre, chargé du saint viatique, dans les appartements de la mourante.
Celle-ci communie in-extremis puis, dans un souffle, prononce ces dernières
paroles énigmatiques : "Depuis que je suis reine,
je n'ai eu qu'un seul jour heureux". Que veut-elle dire par là?
Ce seul jour de joie est-il celui de sa fin? Sous-entend-elle qu'elle n'a pas
été dupe de la tardive et hypocrite faveur que son royal époux a manifesté à
son égard? On ne le saura jamais, car la souveraine a sombré dans l'inconscience.
A trois heures de l'après-midi, alors que Louis XIV a
dû s'éloigner comme l'exige l'étiquette, Marie Thérèse d'Autriche rend son dernier
soupir, sans que les prêtres aient eu le temps de lui donner l'extrême onction.
Elle s'éteint dans sa quarante sixième année, victime des hommes de l'art qui
n'ont pas su traiter un abcès et enrayer une infection qui a probablement diffusé
jusque dans la cavité pleurale, ce qui sera partiellement mis en évidence par
l'autopsie. "La reine Marie Thérèse d'Autriche,
princesse d'une grande piété, mourut d'un mal qui ne parut pas considérable,
après quatre ou cinq jours de fièvre : mais elle fut fort mal traitée. Le trop
de façons la fit mourir; une paysanne à peine aurait gardé le lit pour cette
maladie. Sa mort étonna et surprit tout le monde", rapporte le comte
de Bussy Rabutin dans une lettre à sa cousine la marquise de Sévigné. Au lendemain
de la mort de la reine, Louis XIV, très éprouvé, déclare : "C'est
le premier chagrin qu'elle m'ait causé (...). Le ciel me l'avait donnée comme
il me la fallait, jamais elle ne m'a dit non". Marthe de Mursay,
comtesse de Caylus et nièce de Madame de Maintenon, note non sans ironie dans
ses Souvenirs : "Le roi fut plus attendri qu'affligé,
mais comme l'attendrissement produit d'abord les mêmes effets, la Cour fut en
peine".
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