MONSIEUR, LE FRERE DU ROI SOLEIL
A trente huit ans, Monsieur
s'est vu obligé de mettre un terme définitif à une brève carrière militaire
qui faisait ombrage à Sa Majesté Louis XIV. Le duc Philippe d'Orléans ne s'en
émeut guère et s'adonne voluptueusement au plaisir et au jeu. Contraint à une
oisiveté dorée, le frère unique du Roi Soleil ne peut désormais qu'apporter
de l'eau au moulin de ceux que scandalisent son raffinement et son
"amitié" pour ses mignons.
Il n'est pas facile
d'être le frère de roi! Depuis sa naissance, le 21 septembre 1640, Philippe a
vécu dans l'ombre de l'éblouissant Roi Soleil, son aîné de deux ans. Duc
d'Anjou, devenu duc d'Orléans à la mort de son oncle Gaston, en 1660, il a
toujours été cantonné aux seconds rôles. Car son destin n'est pas de monter
sur le trône. A moins que Sa Majesté ne décède avant d'avoir pu assurer sa
descendance.
Le cardinal Mazarin, qui, depuis la mort de Louis XIII, en 1643, assure le
gouvernement au côté de la régente Anne d'Autriche, tient à éviter que le
cadet de Louis XIV devienne un comploteur invétéré à l'instar de Gaston
d'Orléans, le frère du roi défunt. Cependant, premier prince du sang, le
jeune Philippe a reçu une excellente éducation.
Tandis que, sous
l'oeil vigilant de Mazarin, Louis est soumis à une formation
"virile", on réserve à son cadet une "éducation de fille"
en écartant de ses études tout ce qui pourrait lui donner une quelconque
inclination pour le pouvoir. Confié à un précepteur éclairé, le grand
humaniste François la Mothe Le Vayer, le jeune Philippe acquiert de vastes
connaissances, une excellente culture générale et une ouverture d'esprit digne
de son maître.
Celui qui est devenu Monsieur, (titre réservé au frère du Roi), à
l'avènement de Louis XIV, fait figure de vilain petit canard et reste le mal
aimé de la famille royale, écrasé par la forte personnalité de son aîné.
C'est qu'il ne dissimule aucunement son penchant pour la mascarade et les
costumes féminins, affiche son "amitié" pour les nombreux mignons de
sa suite, tel le chevalier de Lorraine. Petit et rond, la chevelure brune, le
visage long et mince affublé d'un nez trop long, d'une bouche trop petite et de
mauvaises dents, Philippe d'Orléans se parfume à l'excès, se farde comme la
dernière des coquettes, ne porte que des hauts talons. La Cour, aussi hypocrite
qu'impitoyable, se gausse de son physique disgracieux, de ses outrances
vestimentaires. Elle s'indigne de ses excès, de sa passion pour le jeu. Elle
affiche mépris et dédain à l'égard de son homosexualité et juge
scandaleuses les fêtes qu'il donne en son château de Saint Cloud. Pendant
qu'elle fait courir la rumeur que Monsieur aurait laissé empoisonner sa
première épouse, Henriette d'Angleterre, par ses favoris, le Roi Soleil semble
se réjouir de ces penchants qui assurent la défaveur de son cadet et lui
fournissent autant d'occasions d'abaisser un possible rival. Il a tort. Monsieur
se montrera toujours loyal et ne lui portera jamais ombrage.
Certes, Monsieur est
influençable, frivole et prodigue. Mais il n'a pas que des défauts. En trente ans
de mariage, il a toujours vécu en bonne intelligence avec sa seconde épouse, la
princesse Palatine. Et s'est consciencieusement acquitté de son devoir
conjugal. Avec Henriette d'Angleterre, il a eu deux filles. Avec la Palatine,
une fille et un fils, le futur Régent de France. S'il est l'arbitre des
élégances de la Cour, Monsieur est souvent consulté par Louis XIV à propos
d'étiquette et de protocole. Des questions qui le passionnent et sur lesquelles
il est incollable.
Malgré ses amours masculines, ce "vice ultramondain", Philippe
d'Orléans fréquente l'église avec assiduité et se régale de la dialectique
fleurie des prédicateurs. Courageux, il se distingue au cours des campagnes de
Flandre et des Pays Bas en 1667 et 1672. En 1677, il bat le prince Guillaume
d'Orange à Cassel et s'empare sans coup férir de Saint Omer. Ce qui ne plaît
pas à Louis XIV. L'année suivante, Le roi Soleil prend en personne le
commandement de ses troupes et décharge son frère de toute responsabilité
militaire. Monsieur s'accommode tant bien que mal de cette disgrâce. Et,
finalement, ne s'en porte pas plus mal. L'oisiveté dorée à laquelle il est
contraint lui convient parfaitement et lui laisse tout loisir de s'adonner à sa
passion pour le jeu, même si ses pertes sont telles qu'il lui faut mettre en
gage les plus beaux et les plus chers de ses bijoux.
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