LES BOURBONS
LOUIS XIV, SA VIE |
LA FRAICHEUR ET LA LEGERETE D'UNE NOUVELLE CUISINE A la table de Louis XIV, le cérémonial, la munificence et la tradition ne sont pas les seuls invités. Sous le règne du Roi Soleil, une grande révolution est en train de s'accomplir : celle de la grande gastronomie française. Issue des traditions culinaires du Moyen Age et de l'Antiquité, une nouvelle cuisine est née. Louis XIV, qui aime tant innover afin de glorifier ce
Grand Siècle qui est le sien, ne peut passer à côté
de la gastronomie. N'est-il pas le roi des Arts par excellence? L'art culinaire
comble en outre ses appétits aussi raffinés qu'exigeants. A Versailles,
le roi de France entend bien être souverain même à table.
Son goût, qui influence tout le royaume et une bonne partie des Cours
européennes, tend vers une certaine simplicité, mais une simplicité
très élaborée. Le Roi Soleil a conservé, tout en
les enrichissant, les traditions en usage lors des grands festins de ses ancêtres
et issues des préceptes de l'Antiquité. Mais, il a révolutionné
l'univers des saveurs. Aux épices venues d'Orient, aux parfums d'ambre,
de rose ou de musc, il préfère les herbes fraîches de son
jardin. Le potager du roi livre chaque matin aux cuisines cerfeuil, basilic,
estragon et civette. Qu'il donne une fête, qu'il mange en public, lors
du rituel grand couvert, ou "dans son particulier", Louis XIV exige
des produits d'une fraîcheur absolue. A l'instigation du roi, gros mangeur mais fin gourmet, la cuisine se fait plus légère. Les viandes ne subissent plus les cuissons multiples chères aux seigneurs féodaux et aux Romains. A présent, elles ne sont plus bouillies avant d'être rôties et donnent ainsi le meilleur de leur goût. Les vins ne sont plus additionnés d'épices et d'aromates. Les crus de Bourgogne et le tout nouveau champagne remplacent couramment les vins blancs liquoreux. Les compositions salées-sucrées d'origine orientale passent aussi de mode, de même que les viandes salées et fumées, jugées "chairs ordinaires", comme le porc, de moins en moins apprécié. Naturelle, telle est, avec caractère et originalité, la table de Louis XIV. Le roi et ses cuisiniers veulent avant tout des aliments de qualité. Le poisson destiné à la table royale est acheminé de nuit depuis les côtes de la Manche pour être dégusté dans la journée même. L'anecdote tragique de Vatel, rendue légendaire par le récit de la grande épistolière du règne, madame de Sévigné, témoigne du sérieux apporté par les cuisiniers de France à leur tâche. En 1671, Vatel, maître d'hôtel du prince de Condé, grand maître de la Maison du roi, s'est donné la mort avec son épée. Déshonoré par le retard de la marée du jour et pour n'avoir pu servir à temps le repas de fête prévu par son maître en l'honneur de Louis XIV à Chantilly. A la table du roi, les mets riment désormais avec poésie. "Matelote d'ailerons de dinde à la financière", "faisandeaux grillés en caisse sauce gibier", "perdreau rouge à la crapaudine", "compotes de cailles au foie", "noix de veau piquée, glacée à l'essence servie froide", "buissons de tartelletes", "fusées d'abricots à la crème"... Le langage de la gastronomie et de la cuisine française se répand en infinies arabesques. Moutons, lapins et poulardes se parent de noms et d'ingrédients de plus en plus exubérants, qui excitent autant l'imagination que l'appétit. Ces circonlocutions, si elles séduisent Louis XIV comme les gens de qualité, suscitent l'ironie de Madame Palatine, la fameuse belle-soeur du roi, à la langue si bien pendue. Madame, qui n'oublie pas les nourritures rustiques de son Allemagne natale, regrette avec verve les jambons fumés bavarois et les choux servis avec des saucisses. En 1714, à la fin de sa vie, elle observe amèrement : "Quoique je sois ici depuis quarante trois ans, je n'ai pu encore m'habituer à la détestable cuisine de ce pays!" Ce qui n'empêchera pas la cuisine française d'acquérir une renommée unique. Page MAJ ou créée le 2003 |