LA VERRERIE ROYALE DE SAINT LOUIS
Le 18 mars 1767, Louis XV accorde à
René François Jolly le privilège d'établir la nouvelle
Verrerie royale de Saint Louis. Installée près de Sarreguemines,
la manufacture va devenir l'une des cristalleries les plus prospères
et les plus fameuses du royaume.
Depuis le Moyen Age, les verriers ne peuvent exercer qu'en
obtenant des privilèges réservés aux membres de la noblesse.
Dans certaines régions, comme la Normandie, les gentlishommes en ont
l'exclusivité. Ailleurs, ils sont délivrés à tous
les artisans réputés pour leur savoir-faire. En 1399, Charles
VI déclare que les verriers de Mouchamps, dans le Poitou, les méritent
"à cause de la noblesse du dit-métier",
reconnue de tout temps. En Lorraine, les verriers sont exemptés de la
dîme et autorisés à porter l'épée : ouvriers
gentislhommes, ils forment une classe à part. Si en 1603, Henri IV concède
le travail et le commerce du verre aux seuls nobles, il n'en continue pas moins,
afin que le métier puisse se développer, à accorder des
privilèges à des roturiers. Ce sont les descendants de ces artisans,
renommés pour leur esprit d'entreprise, qui vont travailler dans les
nouvelles manfactures de Baccarat et de Saint Louis. Vers 1760, l'Académie
des Sciences recommande au souverain de favoriser le développement du
commerce et de la fabrication du verre en créant de nouvelles manufactures.
Après avoir autorisé en octobre 1764 l'ouverture de la verrerie
de Baccarat, Louis XV accorde à René François Jolly, par
contrat en date du 18 mars 1767, le site de Muntzhal, près de Sarreguemines,
à charge d'y consruire une verrerie au titre de Verrerie royale de Saint
Louis, en souvenir du roi Louis IX. Ainsi rebaptisé Saint Louis, le petit
village du pays de Bitche va acquérir une renommée mondiale.
La Verrerie royale de Saint Louis démarre avec
des productions très voisines de celles de sa rivale de Baccarat : du
verre à vitre, des bouteilles, de la gobeleterie ordinaire et des verres
à boire taillés et gravés façon Bohême. Mais
très vite, elle oriente ses efforts vers la fabrication de cristal à
la manière des Anglais. Il lui faudra quelques années pour découvrir
le secret de cette technique et en maîtriser les difficultés. Cest
chose faite en 1780, grâce aux recherches effectuées sous l'autorité
du directeur, monsieur de Beaufort, et la consécration arrive le 12 janvier
1782. Le mémoire soumis à l'Académie royale des Sciences
est officiellement enregistré par le marquis de Condorcet, secrétaire
de la prestigieuse institution : "La comparaison avec
les pièces de cristal anglais confirme la ressemblance parfaite à
tous égards du nouveau cristal de France avec celui d'Angleterre".
Cete réussite vaut aux artisans de se voir confirmer leurs privilèges,
mais, pour préserver le savoir-faire de l'entreprise, ils sont aussi
soumis à des règles très strictes. "Le
roi et son Conseil, sous peine d'amende et même de punition corporelle,
interdisent à tous les ouvriers, serviteurs et domestiques de quitter
le service sans un congé sollicité au moins deux ans à
l'avance; de s'éloigner de plus d'une lieue sans autorisation",
stipule un arrêt du Conseil d'Etat publié en 1785.
Contrainte de cesser son activité en 1795, la manufacture
de Saint Louis va renaître au XIXème siècle. Sous la Restauration,
ses productions de cristal français sont commercialisées dans
des boutiques parisiennes spécialisées ("Le Petit Dunkerque",
"L'Escalier de cristal", "Jean Alexandre") et suscitent
un extraordinaire engouement. Le succès de l'entreprise est confirmé
par une série de nouveautés fort prisées par l'aristocratie
et la riche bourgeoisie. C'est d'abord le cristal coloré, l'opaline,
dont la mode est lancée dans les années 1820. Ce sont ensuite
les luxueux services de verres, proposant un verre particulier pour chaque sorte
de vin. C'est enfin la grande spécialité de la cristallerie de
Saint Louis : les fameux sulfures, ou millefiori, ces boules presse-papier
que s'arrachent les collectionneurs. La réussite commerciale permet
à la manufacture de s'agrandir. Près des ateliers, s'élèvent
des bâtiments qui abritent plus de six cents personnes, les trois cent
cinquante à quatre cents ouvriers et leurs familles. Cette structure
de logement est inspirée de celle qui a été mise en place
à Baccarat, alors très en avance en matière sociale et
qui a déjà imaginé de créer des fonds de pensions,
de retraite et de chômage. Grâce à ces mesures sociales,
à une constante recherche au plan de la technique et de la création,
la Verrerie royale de Saint Louis s'est imposée comme l'une des cristalleries
les plus renommées du monde.
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