LE "SYSTEME DE LAW" TRIOMPHE (5 janvier 1716)
A force d'énergie, John Law parvient à doter
la France d'une grande banque d'Etat, agréée comme telle le 5
janvier 1719 par le Conseil de Régence, et d'une Compagnie de commerce
international. Son "système", qui unit la Banque royale, la
Compagnie des Indes et l'Etat, suscite un engouement inouï. Billets et
actions s'arrachent dans l'euphorie du premier boom boursier de l'Histoire.
Le refus de créer une banque d'Etat mettant une
monnaie-papier en circulation que le Conseil de Régence oppose à
John Law en octobre 1715 ne décourage pas l'obstiné Ecossais, qui
veut prouver que cette opération serait réalisable et rentable.
Dès le mois de décembre, il adresse au Régent, le duc Philippe
d'Orléans, une longue lettre enflammée dans laquelle il demande
l'autorisation de créer, à ses propres frais, la banque qu'il
estime seule capable de ranimer un commerce moribond. Le Conseil des Finances
donne son accord le 1er mai 1716 et, le lendemain, le Conseil de Régence
accorde à Law un privilège de vingt ans pour créer une
Banque générale d'Escompte et de Circulation.
La nouvelle banque dispose de peu de fonds, et ses concurrents
ricanent. Elle n'en propose pas moins un placement sans risque et promet des
bénéfices substantiels. Le duc d'Orléans y souscrit à
titre personnel pour quatorze millions. Avec les billets qu'il a maintenant
le droit d'émettre, Law pense avoir trouvé le "monnaie idéale".
Les billets sont remis en échange de dépôts d'espèces,
libellés en "écus de banque" et sont remboursables à
la demande en écus d'argent au poids et au titre du jour du dépôt,
et non du paiement. Ce système protège les dépôts
contre une éventuelle dévaluation et devrait donc éviter
la traditionnelle méfiance de l'opinion envers la monnaie-papier. John
Law est devenu un proche du Régent, et sa banque commence à apparaître
comme la banque du roi, portant ombrage aux autres banquiers, qui s'en offusquent
d'autant plus que l'image du nouvel établissement s'améliore rapidement.
En juillet 1716, La Gazette de la Régence écrit : "On ne
parle ici de la banque de M. Law qu'en railleries, et presque tout le monde
s'en moque". Peu après, la même gazette remarque : "Une
chose singulière est que jusqu'à présent on ne prend rien
pour le change, et qu'on paie à vue tous les billets de banque".
Et quelques mois plus tard, elle note que "tout le monde veut avoir son
compte à la banque de M. Law". En 1718, John Law fonde le Compagnie
d'Occident, qui commerce en Amérique et en Afrique. Puis la guerre de
Succession d'Espagne lui permet enfin de transformer sa banque en Banque royale.
Le 5 janvier 1719, le Conseil de Régence donne un arrêt définissant
les règles de fonctionnement de la nouvelle banque, qui appartient entièrement
à l'Etat. Outre les opérations habituelles, l'établissement
émet de nouveaux billets libellés (c'est une grande innovation)
en une monnaie de compte sans poids ni consistance, la livre tournois. Les éventuelles
demandes de remboursement seront satisfaites en or ou en argent au cours du
jour, fixé par le gouvernement. John Law fonde alors un "système"
destiné à rembourser la dette publique et unissant la Banque,
la Compagnie et l'Etat, lequel contrôle les grandes entreprises du royaume
et le commerce extérieur via la Compagnie. Le commerce et le crédit
public reprennent de la valeur. Durant les six premiers mois, la Banque royale
n'émet qu'un nombre restreint de billets. Puis, le 7 mai, une dévaluation
du louis entraîne une méfiance pour les autres espèces et,
dès le lendemain, la foule se rue sur la monnaie-papier. Les chroniqueurs
remarquent : "On a porté tant d'argent à la Banque depuis
quelques jours qu'il n'y a plus de billets et qu'il faut en refaire de nouveaux
(...). Les receveurs, ensevelis sous des sacs d'or et d'argent, se faisaient
supplier pour en prendre encore". Le Trésor royal a maintenant
les coudées franches grâce aux avances en billets de la Banque,
laquelle possède désormais une réserve en or et en argent
considérable, qui servira à financer la guerre. Les richesses
produites par la Compagnie, devenue Compagnie des Indes, servent de gage aux
billets émis par la Banque. En juillet, la Compagnie obtient la concession
de la fabrication des monnaies, et ses actions s'envolent. Depuis longtemps,
Law rêve que l'Etat retrouve sa fonction de percepteur des impôts
dits "régaliens". Malgré l'opposition des fermiers généraux,
qui deviendront des ennemis acharnés du banquier écossais, les
Fermes générales sont supprimées. Les receveurs généraux
disparaissent aussi au profit des agents de la Compagnie. La Banque émet
de nouveaux billets pour payer les offices rachetés et financer le déficit
budgétaire. La Compagnie émet de nouvelles actions du Mississipi,
que l'on s'arrache. Les ennemis de "l'étranger" remarquent
que l'Ecossais s'est prodigieusement enrichi : il possède quatorze domaines
titrés! D'octobre 1719 à mars 1720, le "système"
est à son apogée, et le 5 janvier 1720 son fondateur est nommé
Contrôleur général des Finances.
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Page MAJ ou créée le 03/07/2004
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