LA MORT DE MADAME DE MAINTENON
Après la mort de Louis XIV, son
épouse secrète, madame de Maintenon, se retire dans la maison d'éducation
qu'elle a fondée à Saint Cyr. C'est dans cette institution autrefois
brillante, mais que, confite en dévotion, elle soumet à de durs
diktats, que la marquise s'éteindra le 15 avril 1719.
Madame de Maintenon, épouse de Louis
XIV, a fondé en 1686 à Saint Cyr, une maison d'éducation
pour deux cent cinquant jeunes filles issues de la noblesse sans fortune. L'Institut de Saint
Louis est l'oeuvre de sa vie, et elle s'y retire le 30 août 1715, alors
que le Roi Soleil agonise. "Elle voulut que son confesseur vît le
roi et l'assurât qu'elle n'avait plus rien à faire auprès
de lui. Il le vit et vint dire qu'elle pouvait partir, qu'elle ne lui était
plus nécessaire", rapporte sa confidente, mademoiselle d'Aumale.
"Elle pensa qu'on pourra la traiter
comme on a fait souvent d'autres personnes en faveur, après qu'elles
ont tout perdu", dit encore mademoiselle d'Aumale. Epousée en secret,
madame de Maintenon n'a aucun droit officiel. Peu appréciée à
la Cour, elle sait qu'il ne s'y trouvera personne pour la défendre et,
de surcroît, elle n'est pas en bons termes avec le duc Philippe d'Orléans,
qui sera régent du royaume pendant la minorité du jeune Louis
XV. Craignant un exil soudain, humiliant et peut être lointain, elle s'estime
en sécurité à Saint Cyr, d'où l'on ne pourra la
faire partir sans provoquer un scandale. Louis XIV expire le 1er septembre
au matin. Le 6, Philippe d'Orléans se rend auprès de madame de
Maintenon, l'assurant de sa considération et lui garantit le maintien
de sa pension, obéissant au défunt qui lui a enjoint de faire
"tout ce qu'elle (...) demandera". Cet entretien n'est pas pour autant
empreint de cordialité : il s'agit davantage d'un contrat de non-agression
réciproque, la marquise s'engageant "d'honneur à ne jamais
rien dire ni faire contre le Régent". Dans ses appartements privés,
la vieille dame, qui va sur ses quatre vingt ans, reçoit d'autres visiteurs. Parmi
les plus éminents figure le tsar de Russie Pierre 1er le Grand, venu
voir celle dont on dit qu'elle a gouverné la France : elle l'accueille
allongée dans la pénombre de sa chambre, et invoque son âge
pour abréger l'entrevue. En revanche, elle reçoit volontiers quelques
amies, qui la tiennent au courant des événements. L'abrogation
des dispositions rendant les enfants légitimés de Louis XIV égaux
aux princes du sang et leur ouvrant la possibilité d'accéder au
trône la consterne. L'emprisonnement, à la fin de l'année
1718, à la suite d'un complot visant le régent, du duc de Maine,
fils légitimé du défunt roi et qu'elle chérit, lui
fait énormément de peine.
Madame de Maintenon aime raconter sa vie
de façon édifiante aux pensionnaires de Saint Cyr, pour qui elle
fait revivre l'enfant pauvre qu'elle a été. Mais, plus que sa
vertu, c'est son extraordinaire destinée qui fait rêver les petites
élèves, et elle s'efforce alors, sans indulgence, de les ramener
à la réalité. Il est vrai que la contradiction entre l'enseignement
autrefois brillant dispensé par l'institution et le sort médiocre
- l'habit de nonne ou le mariage avec un petit noble de province - qui attend
à leur sortie les jeunes filles munies d'à peine trois mille livres
de dot, n'a pas été étranger à l'abandon de cette
éducation de princesses. Mais l'acharnement de madame de Maintenon
contre les illusions de ses élèves est d'autant plus grand qu'elle-même reste
insatisfaite d'un destin qui lui a valu, de par son mariage, royal mais secret,
une situation fausse et inconfortable, mépris ou basse flaterie. Aigri, elle
ne peut s'empêcher sur ses vieux jours, malgré le modèle de vertu qu'elle entend
être, de se plaindre amèrement. A sa mort, le 15 avril 1719, dans sa quatre
vingt quatrième année,
il reste peu de témoins de sa splendeur. Sa disparition ne suscite guère de
commentaires, si ce n'est de la part de la princesse Palatine, mère du Régent,
qui exprime sa haine par un lapidaire : "La vieille guenipe est crevée"! Madame
de Maintenon est inhumée à Saint Cyr. Dans sa maison d'éducation devenue mausolée,
le temps est suspendu : un demi siècle plus tard, on interprètera toujours les
mêmes chants, on lira les mêmes ouvrages. Le monde, lui, évolue et la Révolution
vaut au restes de la marquise d'être retirés de leur tombe. Laissés dans la
cour, ils sont recueillis et installés dans une caisse que l'on monte au grenier.
Retrouvés après les bombardements de la Seconde Guerre mondiale et la destruction
des bâtiments, ils sont déposés à Versailles dans le petit oratoire qui a été
celui de l'épouse du roi. Saint Cyr exprimera le voeu de rentrer en leur possession
et, une fois la chapelle rénovée, ils y seront définitivement rapportés
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