LES BOURBONS
LOUIS XV, SA VIE |
LE PETIT LOUIS XV RENCONTRE LE GRAND TSAR PIERRE 1ER Pierre le Grand, tsar et empereur de Russie est en visite à Paris. En ce jour de mai 1717, ce géant de deux mètres va croiser le tout jeune Louis XV, alors âgé de sept ans. C'est une journée inoubliable pour l'enfant royal, en plein apprentissage de son métier de futur roi. Une de ces rencontres historiques qui prennent des allures de symbole. "Je me demande s'il ressemble vraiment à un ours", pense Louis en cet après-midi du 10 mai. Il s'impatiente dans le carrosse qui le mène depuis les Tuileries vers la rue de la Cerisaie, à l'hôtel de Lesdiguières. Pierre le Grand a finalement décidé d'y descendre, préférant la simplicité de l'hôtel à la réception fastueuse du vieux Louvre. Tout Paris sait déjà que le tsar, pour garder sa forme spartiate, a dormi dans la garde-robe de son valet, abandonnant la chambre qu'on lui destinait. Ses mets préférés (raves, pain, bière) sont aussi abondamment commentés. Précédé de sa réputation de force de la nature, d'original et de grand conquérant, Pierre le Grand a déclenché une intense curiosité lors de son débarquement sur le sol de France. Louis a vraiment hâte de voir à qui il ressemble. Pour un peu, il oserait s'en ouvrir à l'austère duc de Villeroy, le vieillard qui lui sert de gouverneur. Mais ce dernier, qui ne le quitte pas d'une semelle, fronce les sourcils. Il va bientôt se mettre à répéter une fois de plus à l'apprenti roi les règles de l'étiquette, érigées pour l'occasion. Tandis que Villeroy égrène sa litanie de directives, le jeune Louis XV s'abandonne à ses rêveries : un jour, il sera aussi grand que le tsar. A force de vouloir faire de son royal élève la copie conforme de son arrière-grand-père, Louis XIV, le gouverneur le gave de pensums. Louis XV veut bien ressembler au Roi Soleil, mais pas trop tout de même! Obligé d'adopter jusqu'aux goûts culinaires de Louis XIV, il a besoin d'échappées belles. Et cette visite est une occasion inespérée d'oublier toutes les contraintes quotidiennes! Un tsar de légende, venu de ses steppes lointaines, et dont tout le monde parle tour à tour comme d'un héros, d'un sauvage et d'un sage. Son imagination vagabonde. Il ne s'est pas aperçu qu'il était arrivé. Il descend du carrosse et soudain le géant est là. Il a voulu saluer tout de suite son petit invité. Pierre le Grand est charmé par la beauté de l'enfant. Lui, qui passe pour une brute ne peut s'empêcher de le prendre dans ses bras et de caresser ses boucles dorées. Ils devisent comme de grands amis pendant le quart d'heure prévu par le protocole. Puis Pierre reconduit Louis en lui tenant gentiment la main, et l'embrasse affectueusement sur les joues. Louis XV est ravi, il n'a pas eu peur un seul instant. Son admiration pour le géant russe est sans limites. Les jours suivants, Louis suit, fasciné, le compte rendu de l'emploi du temps du géant. Il se lève, paraît-il, chaque jour à l'aube pour se lancer dans de nouvelles aventures. Pierre le Grand court partout : à l'Arsenal, aux Gobelins, à l'Académie de peinture, à l'Observatoire, à la Manufacture des Glaces, à l'Opéra, à la Monnaie, à Notre Dame, à l'Imprimerie Royale, à la Sorbonne, aux Gobelins, à l'Académie des Sciences! Et lorsqu'il n'a pas pu tout voir d'un endroit, il y retourne. Car le géant est un ogre affamé de tous les savoirs, de toutes les expériences. Le 24 mai au matin, Louis XV a la surprise de le recevoir aux Tuileries. Quelle aubaine : le tsar est venu incognito, pour lui! Ils se mettent à parler géographie. L'inévitable Villeroy en profite pour faire valoir son élève. Louis XV étonne Pierre par sa connaissance de la Russie. Le souverain russe lui montre l'endroit où il veut relier les mers Noire et Caspienne en joignant le Don et la Volga. En échange, Louis lui fait admirer les bijoux de la Couronne. Puis le tsar s'en va, pressé et gourmand. Le géant et l'enfant se reverront encore plusieurs fois, incognito et officiellement, jusqu'au 21 juin, jour de son départ. Page MAJ ou créée le 2002 |