LES BOURBONS
LOUIS XVI, LES ARTS ET LES SCIENCES |
"LES LIAISONS DANGEREUSES" DE CHODERLOS DE LACLOS Le XVIIIème siècle français est celui des philosophes et de L'Encyclopédie. Le roman n'y a guère de place; vers 1780, il ne s'en publie qu'une cinquantaine par an, et rares sont ceux qui sortent du lot. Mais il est une exception de taille : Les Liaisons dangereuses, l'un des rares ouvrages et le chef-d'oeuvre d'un militaire, Choderlos de Laclos. Pierre Ambroise François Choderlos
de Laclos est né à Amiens en 1741. Issu d'une petite
noblesse sans fortune, il a embrassé la carrière militaire
vers l'âge de vingt ans avec le grade de lieutenant en second.
La France entame alors une longue période de paix, si bien
qu'il mène une vie de garnison entre La Rochelle, Toul, Strasbourg,
Grenoble, Besançon et monte rapidement en grade tout en s'intéressant
autant à l'art de la guerre qu'à la littérature.
Il admire en particulier Jean Jacques Rousseau et sa Nouvelle
Héloïse, en qui il reconnaît une sensibilité
proche de la sienne; il lit les encyclopédistes et fréquente
également assidûment les grands classiques du XVIIème
siècle, La Fontaine, Racine, Pascal. Ingénieur en
artillerie, il invente le boulet creux et écrit un virulent
pamphlet contre Vauban et son système de fortifications!
Présenté sous la forme d'une correspondance entre plusieurs personnages, le roman décrit deux libertins, la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, une séductrice et un séducteur à la fois complices et rivaux, dont la vocation est de conquérir, de tromper et de dominer. L'intrigue, parfaitement menée, montre le vicomte perfectionnant les méthodes de Don Juan pour vaincre la résistance d'une femme de haute vertu, la présidente de Tourvel; il en rend compte par lettres à son ancienne maîtresse, espérant ainsi reconquérir ses faveurs. Mais surtout on y voit la marquise, le personnage le plus noir, tenir tous les fils de l'intrigue, manipuler et se venger d'un amant en livrant sa jeune fiancée à Valmont; succomber à la jalousie et tenter de détourner Valmont de la présidente dont il est tombé amoureux malgré lui... Peinture terrible des désordres sociaux et moraux de l'époque, et de la haute société, où les mots employés cherchent à dominer, à déguiser les sentiments, à l'opposé de la simplicité et de l'authenticité rousseauiste! Cette dénonciation n'apparaît pas toujours aux contemporains, qui considèrent avant tout l'ouvrage comme licencieux, complaisant vis-à-vis de héros par trop immoraux. La haute société n'a pas
envie de se reconnaître dans ces Liaisons d'un rare
cynisme. Contrairement à Voltaire ou à Diderot pour
La Religieuse, on refuse à leur auteur la qualité
de moraliste. Laclos en conçoit beaucoup d'amertume. "Parce
qu'il a peint des monstres, on veut qu'il en soit un",
note un de ses contemporains, Moufle d'Angerville. Pourtant le succès
est là, avec en une seule année pas moins de vingt
cinq éditions, pour lesquelles l'écrivain ne touchera
rien. Très vite, Laclos entre dans une sorte de purgatoire,
presque un enfer, où la société vertueuse le
rejette en compagnie de Mirabeau et de Sade. L'aristocratie (et
après elle nombre de critiques) voit dans son oeuvre une
vengeance à l'égard de la classe sociale à
laquelle il n'a pu accéder. Page MAJ ou créée le 2003 |