LES BOURBONS
LOUIS XVI, LES ARTS ET LES SCIENCES |
LA PREMIERE DU "MARIAGE DE FIGARO" Horloger, musicien, écrivain, accessoirement spéculateur et même espion du roi, le bouillant Pierre Augustin Caron de Beaumarchais a tous les talents. Y compris celui de se lancer dans une multitude de procès. Esprit brillant, inventif et éclairé, il suscite tant la popularité que la défiance et quelques haines tenaces. Il est cinq heures, ce
27 avril 1784, et les trois coups vont être frappés. Il a pris place au fond de
la salle, dans une loge dont la grille est baissée. Deux abbés l'encadrent comme
pour le protéger. Beaumarchais, pour l'heure, se veut discret. Le 29 septembre 1781, après trois ans d'écriture, une première version du Mariage est soumise à la Comédie Française. La censure, malgré quelques allusions peu déguisées (le clergé est égratigné, la pièce est située en France et la Bastille est citée), émet un avis favorable. Le roi, cependant, ému par des rumeurs, s'en mêle. "Cela est détestable et ne sera jamais joué" lance-t-il après lecture d'une seconde version, pourtant élaguée par l'auteur qui a désormais pris pour décor une Espagne de fantaisie. Un an plus tard, Beaumarchais soumet de nouveau son travail remanié à la censure. L'interdiction est maintenue. Qu'à cela ne tienne! On donne le Mariage en lecture dans de nombreux salons. On intercède, tant et si bien que Louis XVI cède. La représentation est fixée au 13 juin 1782, à la Cour. Mais le matin même, elle est annulée. Le roi s'est ravisé. Mal lui en a pris? Sa décision monte contre lui nombre d'aristocrates, la pièce devient une "affaire", un symbole. Le comte de Vaudreuil parvient à la faire jouer dans sa propriété de Gennevilliers. Le comte d'Artois, frère du roi, assiste à cette représentation privée. Il emporte enfin, après trois nouvelles lectures de la censure, la réticence de son illustre aîné. "Or,
messieurs, la comédie, Il est dix heures. La représentation se clôt sur des des vers qui, quatre ans avant la Révolution, prennent une étrange résonance. Comme le monologue de Figaro, un peu plus tôt : "Parce que vous êtes un grand seigneur, L'aristocratie ne
s'en émeut pas plus et, à l'unisson du reste du public, fait un triomphe à
l'auteur. Beaumarchais, cependant, n'est pas au bout de ses peines. On
l'attaque, on le taxe d'immoralité, on l'accuse même d'incohérence. Il riposte
violemment à ces lazzis dont, pour certains, il est lui-même l'auteur. Louis
XVI, indisposé par ce brouhaha, le fait incarcérer à Saint Lazare. Devant le
tollé général, le roi se repent cinq jours plus tard, offrant même à Beaumarchais,
une substantielle indemnité. A quelque temps de là, une représentation du
Barbier de Séville est donnée au Trianon avec la reine Marie Antoinette
dans le rôle de Rosine, le comte d'Artois interprétant Figaro. Le
Mariage, qui a été interdit le 7 mars 1785, reprend, auréolé d'autant
plus, le 18 août suivant. On est sensible à sa portée satirique et aux attaques
contre l'arbitraire et les privilèges. On en apprécie la nouveauté du ton, la
modernité du style. Ce que, en 1785, dans la préface à son édition, l'auteur
pointe comme une tentative de "ramener au théâtre l'ancienne et franche gaieté,
en l'alliant avec le ton léger de notre plaisanterie". La fortune de
Beaumarchais ne tiendra cependant que quelques années encore. Les affaires et
spéculations diverses auxquelles il se mêle retourneront, peu à peu, l'opinion
contre lui. Après un séjour en prison et un exil forcé, il reviendra à Paris en
1796. Page MAJ ou créée le 2002 |