LES BOURBONS
LOUIS XVI, LES ARTS ET LES SCIENCES |
LE PARC DE VERSAILLES DOIT ETRE INTEGRALEMENT REPLANTE Abattre un arbre est une décision difficile à prendre. D'autant plus lorsqu'il s'agit de milliers d'arbres et de surcroît de ceux du parc de Versailles, le palais rêvé de Louis XIV. Mais, depuis que les feux du règne du Roi Soleil se sont éteints, les plantations ont mal vieilli. Louis XV s'est refusé à agir. Plus avisé, et aussi plus courageux, Louis XVI ordonnera, en décembre 1774, de faire abattre près de douze mille arbres, et d'en replanter autant... Le parc de Versailles a beaucoup
souffert depuis un siècle. Les frondaisons majestueuses des arbres alignés par
André Le Nôtre sont en passe de disparaître. Louis XIV a exigé que les sujets
plantés soient déjà grands. Aussi, les chênes, les peupliers, les érables, les
résineux de bonne taille, qui ont été arrachés aux forêts de France et transplantés
à grands frais, ont eu du mal à s'adapter à leur nouvel habitat. D'autre part,
les tailles et les élagages ont eu raison de nombre d'entre eux, de même, surtout,
que les intempéries et, en particulier, les rudes hivers de 1709 et de 1730.
En 1747, le parc de Versailles a déjà été partiellement replanté et huit
mille nouveaux
sujets ont alors été mis en terre. Mais cette solution ne peut être que provisoire
et ne fait que masquer la sinistre réalité. Malgré les avertissements de ses
jardiniers, Louis XV n'a pas le coeur d'ordonner l'abattage des futaies de son
enfance. Il s'éteint avant d'assister à ce funeste spectacle et c'est son petit-fils qui aura à accomplir cette tâche ingrate. Les travaux de replantation doivent être
entrepris en même temps que l'abattage des vieux arbres et des questions épineuses
se posent aux responsables du chantier. En accord avec le roi qui suit de près
le déroulement des opérations, le comte d'Angiviller consulte les spécialistes
que sont l'abbé Nolin, contrôleur des Pépinières royales, les jardiniers Thouin
et Lemoine. Que doit-on replanter dans le parc de Versailles? Faut-il le reproduire
à l'identique en respectant la création unique de Le Nôtre? Ou convient-il d'y
adapter des essences exotiques en vogue en cette fin de XVIIIème siècle? Certains
prônent l'innovation, jugent qu'il est temps de renoncer aux lignes géométriques
et monotones des jardins à la Française. Mais l'état des finances du royaume
ne permet pas de telles excentricités. Si le parc demeure pour l'essentiel tel qu'au temps du Roi Soleil, on procède cependant à quelques changements. Le Labyrinthe, devenu impraticable, cède la place au Bosquet de la Reine. Là, Marie Antoinette peut se permettre de suivre la mode et de faire planter des essences rares, cèdres du Liban ou tulipiers de Virginie. Le bosquet des Bains d'Apollon subit, lui aussi, quelques transformations dans le goût de ces jardins anglais chers à la nouvelle reine de France. Réalisé d'après les plans du peintre Hubert Robert et de l'architecte Heurtier, il est achevé en 1780. Mis en scène dans ce petit bois romantique, on découvre les groupes de marbre de la Grotte de Thétis de Louis XVI, mais aussi une caverne de conte de fées bucolique, des cascades et une montagne d'opérette plantée de sapins. Devenus vraiment inextricables, les bosquets les plus anciens, comme ceux du Dauphin et de la Girandole, sont en revanche impitoyablement éliminés, de même que l'ancien Arc de Triomphe. Dans l'ensemble, avec la disparition de vieux arbres trop grands, aux frondaisons denses et enchevêtrées formant de compacts écrans végétaux, le parc de Versailles voit ses perspectives originelles dégagées et remises en valeur. Le regard peut de nouveau embrasser les lignes élégantes dessinées par Le Nôtre. Au bout du compte, il s'avère que Versailles, déboisé, puis replanté, rajeunit avec grâce. Page MAJ ou créée le 2002 |