LES BOURBONS
LOUIS XVI, CHEF D'ETAT |
LE DIVORCE ENTRE L'EGLISE ET LA REVOLUTION : LE PAPE CONDAMNE LA CONSTITUTION
CIVILE DU CLERGE Le 10 mai 1791, lorsque le pape condamne la Constitution civile du clergé, c'en est fini des relations consensuelles qui semblent régner entre l'Eglise et la Révolution. Ce texte, conçu pour réorganiser l'Eglise de France après la réquisition de ses biens par la Nation, va peu à peu mettre au jour l'opposition entre deux philosophies religieuses et conduire au schisme. Le 12 juillet 1790, lors du vote par l'Assemblée de la Constitution civile du clergé, personne ne connaît l'avis du pape Pie VI sur ce texte... Et pour cause : on n'a pas songé à le lui demander! Pourtant, l'adoption de la réforme ne manque pas de poser des problèmes aux théologiens. L'Assemblée peut-elle supprimer unilatéralement le concordat de 1516? A-t-elle le droit de rompre le lien créé par le fait que le pape instituait les évêques, désormais élus par des fidèles? A-t-elle le pouvoir de modifier les circonscriptions ecclésiastiques? Conscients de la difficulté, les évêques de l'Assemblée supplient le pape de se prononcer. Mais Pie VI tarde à faire connaître sa décision. De crainte de provoquer un schisme, il ne veut rien brusquer. Il faut dire aussi qu'il est assailli de conseils opposés. Les évêques députés lui conjurent de céder tout ce qui peut l'être. En revanche, les premiers émigrés se livrent à des diatribes enflammées, et le cardinal de Bernis, ambassadeur de France au Vatican, se pose en ennemi déterminé de la Révolution. Résultat, le souverain pontife hésite. Pourtant, ses griefs contre la Constituante sont nombreux et son hostilité à l'égard de la Révolution est connue, notamment depuis qu'Avignon, enclave pontificale en territoire français, a chassé son légat et demandé son rattachement à la France. En outre, Pie VI peut-il réellement approuver la Constitution civile du clergé? La doctrine de l'Eglise (l'institution canonique des évêques touche au spirituel) et les traditions du Saint Siège permettent d'en douter. Tandis que le pape continue à se taire, la mort de l'évêque de Quimper oblige à procéder à son remplacement dans les conditions prévues par la Constitution civile du clergé. Que vont faire le roi et les évêques? Consulté, l'archevêque d'Aix en Provence, Boisgelin, affirme que le roi peut se passer de l'approbation pontificale, selon lui simple formalité canonique. Dès le 22 juillet 1790, Louis XVI, embarrassé, a fait savoir qu'il acceptait la Constitution civile du clergé, mais qu'il demandait un délai avant de la promulguer. Le 24 août, il a sanctionné le décret. De nombreux prélats ont protesté contre la Constitution, de monseigneur d'Aviau, archevêque de Vienne, à monseigneur de La Marche, évêque de Saont Pol de Léon, dont l'évêché a été supprimé. Le silence du pape, les hésitations du roi ont aggravé un malaise provoqué par le fait que c'est une majorité laïque qui réforme l'Eglise et non l'Eglise qui se réforme elle-même, comme celà aurait dû être le cas. Pour prévenir ces résistances, Voidel, député de la Moselle, a demandé que les officiers ecclésiastiques en fonction soient astreints à prêter serment. Le principe en a été voté par la Constituante, mais le roi a fait attendre sa sanction et envoyé un courrier à Rome à l'attention de Bernis. Face à l'Assemblée impatiente d'en finir, le 26 décembre, Louis XVI, "la mort dans l'âme", a dû céder et sanctionner le décret sur le serment. Le 10 mars 1791, la réponse du pape arrive enfin : elle est négative. Le souverain condamne la Constitution civile du clergé. Pour lui, les constitutionnels, que seul reconnaît le Gouvernement français, sont des schismatiques, tandis que les réfractaires, désormais en situation irrégulière en France, restent dans le giron de la Sainte Eglise catholique, apostolique et romaine. C'est le schisme. Le bref pontifical condamne en outre "le droit chimérique de penser et d'agir que l'Assemblée nationale accorde à l'homme social comme un droit imprescriptible de la nature". Un second bref, le 13 avril, rejette, lui aussi, tout en bloc. Les patriotes s'indignent. En mai, c'est la rupture diplomatique entre Rome et Paris. Au Palais Royal, la foule excitée brûle un mannequin représentant "l'ogre du Tibre" avec ses insignes pontificaux. Après la condamnation de la Constitution par le pape, nombre d'ecclésiastiques "jureurs" reviennent sur leur serment : la Constituante les chasse de leur cure. Suit une phase d'anticléricalisme et de déchristianisation. Dans les années 1793 et 1794, beaucoup de prêtres, même constitutionnels, doivent quitter leus fonctions. Désormais chaque acte de la vie religieuse devient un problème délicat et souvent dramatique : nombreux sont ceux qui, ne voulant pas compromettre leur salut, lient leur sort à celui des aristocrates. Quant à Louis XVI, il est accablé par la décision du pape, qui renforce ses scrupules religieux par rapport à la Révolution. Page MAJ ou créée le 2001 |