LES BOURBONS
LOUIS XVI, LES PERSONNALITES |
BEAUMARCHAIS EDITEUR DE VOLTAIRE Homme de lettres et dramaturge à succès, Pierre Augustin Caron de Beaumarchais ne peut concevoir que les oeuvres de Voltaire soient interdites en France. En 1779, il va se lancer dans une entreprise monumentale : réunir et éditer, en veillant au moindre détail, les oeuvres complètes du grand philosophe des Lumières. Pierre Augustin Caron de Beaumarchais est indigné : le clergé n'a pas voulu ensevelir "chrétiennement" Voltaire, mort le 30 mai 1778, dont les restes ont été embaumés et abandonnés dans une chapelle désaffectée. Pour rendre hommage au grand philosophe des Lumières, il entreprend un travail monumental, auquel il va sacrifier son repos et consacrer une fortune : l'édition des oeuvres complètes de Voltaire. Le défi ne manque pas d'ampleur : les deux tiers des écrits
de Voltaire sont interdits en France, et les libraires qui prennent le risque
d'en vendre certains sous le manteau sont passibles de lourdes peines d'emprisonnement,
comme les voyageurs qui se risquent à en rapporter quelques-uns de l'étranger.
Les ouvrages saisis, quant à eux, sont condamnés à l'autodafé. De plus, les
droits des livres publiés sont dispersés entre plusieurs personnes. Et puis,
l'oeuvre est colossale... Pourtant, le libraire Panckouke a eu la même idée;
il est vrai que lui possède tous les inédits et qu'il est en outre appuyé par
l'impératrice Catherine II de Russie. Beaumarchais se précipite chez le comte
de Maurepas, ministre de Louis XVI, pour lui remontrer "quelle
honte ce serait de laisser imprimer chez les Russes les ouvrages de l'homme
qui avait le plus illustré la littérature française". Maurepas lui
promet de l'aider et notamment de permettre que l'édition complète entre dans
le royaume et y circule librement sans aucune censure. Quant à l'édition, elle répond à un principe très moderne
: il s'agit de tout garder de l'oeuvre, y compris la correspondance, sans supprimer
d'éventuels minores ni corriger le texte, à part, par prudence politique,
quelques lettres. Jean Antoine de Condorcet, disciple du maître, est chargé
de l'annotation. La Société littéraire typographique, dont Beaumarchais est
l'unique actionnaire, rachète à prix d'or (cent soixante mille francs) à Panckouke
les manuscrits inédits et à une vingtaine de libraires différents les droits
de tous les livres publiés dans toute l'Europe. Dès 1780, l'éditeur lance par
prospectus un appel à souscription. Beaumarchais compte sur trente mille commandes,
n'en reçoit que quatre mille. Les "antivoltairiens" tonnent contre
la "forge d'impiété" de Kehl, protestent que l'on imprime "le
Voltaire avec plus de luxe que l'Evangile", et les souscriptions
rentrent mal. Dès l'année suivante, Beaumarchais sait que l'opération sera un
gouffre financier, mais rien ne l'arrête. Le premier volume sort des presses
de Kehl en 1783, le cent soixante deuxième en 1790; les ouvrages très épais
et de grande qualité, sont publiés au rythme de vingt trois par an. Il y aura
deux éditions, une de luxe en soixante dix volumes, et une seconde en quatre
vingt douze volumes, les deux tirées à quinze mille exemplaires. Beaumarchais
a gagné son pari : le produit réalisé est parfait du point de vue littéraire
et technique, que ce soit en édition de luxe ou de grande diffusion. Page MAJ ou créée le 2003 |