VOLTAIRE ENTRE AU PANTHEON
Le 11 juillet 1791, les cendres de Voltaire
sont transférées au Panthéon au cours d'uné cérémonie grandiose et spectaculaire
qui donne lieu à une extraordinaire manifestation de ferveur populaire. Les
révolutionnaires rendent ainsi hommage à celui qu'ils considèrent comme le précurseur
des idées généreuses de 1789.
Voltaire s'est éteint le 30 mai 1778 et,
depuis lors, repose dans la chapelle de Scellières, à quelques lieues de Troyes,
où son neveu Mignot était abbé. Mais, en raison de la nationalisation des biens
du clergé, Scellières doit être vendue. Dans un premier temps, les cendres du
philosophe sont transportées à Romilly sur Seine, dans l'Aube. Charles Villette,
autrefois marquis du Plessis Villette, a été un proche de Voltaire et mène une
action décisive en faveur du transfert des restes de celui qui a été le protecteur
de son épouse. En novembre 1790, lors d'une représentation de Brutus,
il réclame "au nom de la Patrie que
le cercueil de Voltaire soit transporté à Paris".
Après bien de péripéties, pétitions et atermoiements de l'Assemblée, où ennemis
de Voltaire et partisans de Rousseau font traîner les choses, le 30 mai, jour
anniversaire de la mort du philosophe, les députés décrètent que "ses
cendres seront transférées de l'église de Romilly dans celle de Sainte Geneviève
à Paris". La cérémonie va constituer un spectacle
inoubliable, dont les journaux rendront compte le lendemain dans les moindres
détails. Les plus grands artistes révolutionnaires sont sollicités : le peintre
David met les célébrations en scène, le poète Chénier donne un hymne, le compositeur
Gossec écrit la musique.
Le cercueil de Voltaire quitte Romilly
le 6 juillet. A chaque étape, on lui rend les plus grands honneurs, sous les
acclamations de la foule et les salves tirées par les gardes nationaux qui l'escortent.
A Paris, le 10 au soir, la magnificence de l'accueil contraste avec le pitoyable
retour de Louis XVI après l'échec, quelques semaines plus tôt, de la fuite à
Varennes. Le convoi est reçu par une imposante délégation de personnalités,
tels Pastoret, procureur-syndic du département, et Bailly, maire de la capitale. Le
cortège rejoint d'abord l'emplacement de la Bastille, où Voltaire a été incarcéré.
Sur les ruines de la forteresse tombée le 14 juillet 1789, on peut lire : "Reçois
en ce lieu où t'enchaîna le despotisme, Voltaire, les honneurs que te rend la
Patrie". Le lendemain, une longue procession se met
en marche précédée des tambours, des sapeurs et des canonniers. Suivent des
enfants, des collégiens, les clubs réunis derrière leurs bannières, les vainqueurs
de la Bastille, dont une femme à cheval en uniforme de la Garde nationale défilant
avec une maquette de la prison, des portraits de Voltaire, de Rousseau, de Mirabeau.
Gardes suisses et députations des théâtres, gens de lettres et académiciens
précèdent une statue du philosophe, dorée et la tête ceinte de laurier, portée
par des élèves des Beaux Arts vêtus à l'antique. Déposé dans un sarcophage de
porphyre, le cercueil du philosophe trône sur un char tiré par douze chevaux
blancs et précédé d'une fanfare. Enfin, les représentants des institutions et
la cavalerie ferment la marche.
A l'Opéra, les choeurs entonnent des hymnes,
une actrice baise le front de la statue. Derrière les volets mi-clos des Tuileries,
Louis XVI et Marie Antoinette regardent passer le cortège, "glacés
sans doute d'épouvante aux fiers accents de la philosophie, du patriotisme et
de la liberté", présume un journaliste. Sur le quai
récemment rebaptisé quai Voltaire, devant l'hôtel de Villette, le char s'arrête
sous un arc de verdure d'où descend une couronne de roses. Sur une estrade se
tiennent cinquante jeunes filles vêtues de blanc. Très émue, madame de Villette
s'avance avec sa petite fille, une couronne civique à la main, s'incline devant
la statue, "la presse dans ses bras
et pose la couronne sur la tête de son bienfaiteur, aux applaudissements d'une
foule en délire". C'est ensuite au théâtre de
rendre les honneurs. Devant l'ancienne salle de la Comédie Française, rue des
Fossés Saint Germain, un buste de Voltaire porte l'inscription : "A
dix sept ans, il fit Oedipe". Devant le théâtre
de la Nation, l'actuel théâtre de l'Odéon, on peut lire : "Il
fit Irène à quatre vingt trois ans". Après cet hommage au
talent du dramaturge, toujours sous les vivats de la foule, le cortège rejoint
la basilique Sainte Geneviève. Dans cette église rebaptisée Panthéon et convertie
en temple dédié aux grands hommes, seul le clergé est absent.
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