LOUIS XIII, LE PEUPLE
LES POSSEDEES DE LOUDUN

 

UNE AFFAIRE D'ETAT
(30 novembre 1633)

Depuis septembre 1632, les Ursulines de Loudun se disent envoûtées par le curé de Saint Pierre du Marché, Urbain Grandier. La possession de Loudun va devenir une affaire d'Etat le 30 novembre 1633, lorsque Louis XIII et le cardinal de Richelieu ordonneront à la justice d'y mettre fin. Et le piège va se refermer sur le sorcier.

L'affaire de la possession de Loudun s'accélère à partir de septembre 1633, avec l'arrivée dans la ville du baron de Laubardemont, envoyé par Louis XIII pour s'occuper non des Ursulines, mais de la démolition du château. Allié d'Urbain Grandier, curé de Saint Pierre du Marché, que l'on accuse d'être responsable par ses maléfices de la possession, Jean d'Armagnac veut conserver sa résidence, son donjon et ses fonctions de gouverneur de Loudun. Mais le cardinal de Richelieu, qui est à l'apogée de sa puissance, entend consolider son domaine, seigneurie érigée en duché-pairie, à moins de vingt kilomètres de là. Des libelles hostiles au cardinal circulent, que les capucins, ennemis de Grandier, disent rédigés par le curé.

Le donjon est démoli fin octobre. Le baron s'est informé de l'affaire du couvent des Ursulines, et, lorsqu'il rentre à Paris, le roi le convoque à Rueil lors d'un conseil tenu par Richelieu et les plus hauts dignitaires du gouvernement. Le 30 novembre, des lettres patentes établissent les procédures à suivre. "M. de Laubardemont, conseiller du roi et ses Conseils d'Etat et privé, se rendra à Loudun" pour informer Grandier des accusations portées contre lui, assister aux exorcismes, rassembler les procès-verbaux et les autres actes des commissaires et "sur le tout, décréter, instruire, faire et parfaire le procès dudit Grandier". Ces lettres patentes sont renforcées sur-le-champ par deux ordonnances signées par le roi : les autorités locales sont sommées d'aider le baron dans l'arrestation de Grandier. Désormais la possession de Loudun devient affaire d'Etat, comme Richelieu l'explique dans ses Mémoires : "Sa Majesté (...) fut obligée d'employer encore son autorité pour fortifier l'Eglise et l'assister aux remèdes qu'il était nécessaire d'apporter aux troubles que le malin esprit avait depuis quelque temps excité dans l'Eglise, en la personne de quelques religieuses (...). Comme en cette matière il y a beaucoup de tromperie (...), le cardinal n'osa pas asseoir un jugement assuré sur le rapport qu'on lui fît, d'autant qu'il y en avait beaucoup qui défendaient ledit Grandier, qui était homme de bonne rencontre et de suffisante érudition (...). Mais enfin cette affaire devint si publique (...) que le cardinal, ne pouvant souffrir davantage les plaintes qui lui en étaient faites de toutes parts, conseilla au roi d'y vouloir interposer son autorité".
Laubardemont arrive à Loudun le 8 décembre. Il agit avec célérité, collecte les pièces nécessaires à l'instruction et fait arrêter Grandier. Des perquisitions sont menées au domicile du curé. Toutes les requêtes que déposera la mère du prêtre seront vaines.

Alors que le sorcier garde le silence, les religieuses possédées sont isolées dans différentes maisons sous bonne surveillance. Les exorcismes se poursuivent; et ces cérémonies très spectaculaires, se déroulant en public, mettent à son comble l'agitation qui règne dans la ville, à grand renfort d'assemblées et de pamphlets. Le vendredi 23 juin 1634, une confrontation entre les religieuses possédées et Urbain Grandier se révèle particulièrement impressionnante. Le prêtre ayant été sommé de pratiquer lui-même un exorcisme, le nombreux public voit se produire, dit le procès-verbal, "les plus violentes, les plus extraordinaires, les plus effroyables convulsions, contorsions, mouvements, cris, clameurs, blasphèmes qu'on puisse imaginer (...); il semblait à tous les assistants qu'ils voyaient en cette occasion toute la fureur de l'enfer".
Le procès du sorcier se déroule du 8 juillet au 18 août 1634. Le tribunal est composé de personnes étrangères à Loudun, une commission criminelle extraordinaire qui a dessaisi les juridictions habituelles, notamment le Parlement de Paris. L'accusation s'appuie surtout sur des témoignages de la population locale et sur ceux des religieuses elles-mêmes. Et, lorsque l'une d'elles dit avoir accusé Grandier à tort, on met cette rétractation sur le compte des pouvoirs du sorcier... Une cicatrice sur le corps de l'accusé est déclarée due au pacte que le curé a signé de son sang avec le diable; d'autant qu'on découvre que d'autres parties de son corps sont insensibles à la douleur et ne saignent pas. Le prêtre nie toujours lorsque les juges délibèrent, le 18 août, au couvent des Carmes. Condamné, Urbain Grandier est, le même jour et devant une foule incroyablement nombreuse, brûlé vif sur un bûcher dressé en place publique.
Le sorcier deviendra par la suite le sujet d'innombrables écrits, articles de presse, épigrammes, apologies, discours et polémiques. Sa mort ne met pas fin aux manifestations hystériques des Ursulines, qui se poursuivront jusqu'en 1637. Mais, après sa disparition, cette affaire de possession sera moins prise au sérieux et finira par s'atténuer.

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