LOUIS XIV, LES ARTS ET LES SCIENCES
JEAN BAPTISTE LULLY

 

L'ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE

Jean Baptiste Lully est aussi brillant musicien qu'homme d'affaires roué. En mars 1672, cet intrigant qui jouit de la faveur du Roi Soleil réussit à racheter le privilège du monopole de l'Opéra en France. A la fondation privée qu'il reprend pour en faire l'Académie royale de musique il va donner un formidable élan et une nouvelle dimension. A tel point que, dans l'esprit du public, Académie et Opéra ne feront plus qu'un.

En 1654, le poète Charles de Beys a l'idée de créer un "opéra" en langue française. Jusque-là, cette forme musicale héritée des Grecs a été l'apanage des Italiens et a puisé son inspiration dans la mythologie. Beys, pour prouver que le français se prête aussi bien à l'opéra que l'italien, écrit une pastorale en vers, Le Triomphe de l'amour sur des bergers et des bergères. Mise en musique par le compositeur Michel de La Guerre, l'oeuvre est présentée au Louvre en janvier 1660 sous le patronage de Mazarin et recueille un succès d'estime.
Neuf ans plus tard, le poète Pierre Perrin reprend à son compte l'idée de Beys et écrit lui aussi une pastorale. Puis, se prévalant de cette "invention", il demande au roi de lui accorder le privilège du monopole de l'Opéra en France. Charmé et convaincu, Louis XIV lui octroie, par lettres patentes du 28 juin 1669, "l'autorisation d'établir par tout le royaume des académies d'opéra, ou représentations en musique en langue française, sur le pied de celles d'Italie".

Perrin se met aussitôt à l'ouvrage et s'associe à Robert Cambert, musicien de grand talent. Les deux partenaires louent pour cinq ans la salle de jeu de paume de La Bouteille, rue Mazarine, qu'ils font transformer en salle d'opéra, avec loges, parterres et scène spacieuse, par l'architecte Guichard. La partie administrative et la mise en oeuvre d'une machinerie somptueuse sont confiés au marquis de Sourdéac. L'inauguration a lieu le 19 mars 1671 avec la représentation de Pomone, d'après un livret de Perrin mis en musique par Cambert. Pour cette première, le compositeur a formé une troupe de chanteurs, de danseurs, de choristes et d'instrumentistes : le succès est retentissant. Mais il est terni par une brouille : Perrin est évincé au profit de Sourdéac, qui prend le titre de directeur. Le 8 avril, Les Peines et les Plaisirs de l'amour, sur un livret de Gabriel Gilbert mis en musique par Cambert, donne lieu à une seconde représentation, bien meilleure encore que la précédente.
Repoussé par ses associés et poursuivi par les créanciers, Perrin perd complètement pied et cède le monopole de l'opéra à trois personnes différentes. Peu après, il se retrouve en prison pour dettes. C'est là que l'ambitieux compositeur d'origine italienne Jean Baptiste Lully, excellent homme d'affaires, rend visite au poète et négocie son privilège contre le paiement d'une pension. Fort de cette transaction, Lully demande à Louis XIV de lui octroyer le monopole de Perrin. Par lettres patentes du 13 mars 1672, il est autorisé à fonder une "Académie royale de musique".

La décision du Roi Soleil ne manque pas de susciter de vives réactions de la part des nombreuses parties lésées, qui s'empressent de porter l'affaire devant la justice. En pure perte! Lully jouit d'une telle faveur auprès de Louis XIV que ce dernier ordonne au lieutenant de police, Monsieur de La Reynie, de fermer la salle de jeu de paume de La Bouteille. Plutôt que de voir triompher son rival, Cambert préfère s'expatrier à Londres, où il devient surintendant de la musique du roi Charles II d'Angleterre.
Désormais seul en scène, Lully loue un local rue de Vaugirard pour en faire une salle d'opéra. Les fêtes de l'Amour et de Bacchus, le premier spectacle, monté à la hâte, réunit des fragments empruntés à des ouvrages composés en collaboration avec Molière. Mais l'oeuvre n'est pas aussi brillante que celles de Cambert. Aussi Lully décide-t-il de revenir, au drame musical tiré de la mythologie ou de l'histoire grecque. Présentée le 27 avril 1673 devant le roi et la Cour, Calmus et Hermione fait un triomphe. Au point que, dès le lendemain, le roi rend une ordonnance permettant à Lully de donner des ouvrages de sa composition dans la salle du Palais Royal, qui a été la "maison" de Molière jusqu'à sa mort au mois de février précédent. Cette nouvelle adresse restera pendant quatre vingt dix ans celle de l'Opéra. Jusqu'à l'incendie de 1763, qui entraînera une série de déménagements et aboutira à la construction par Charles Garnier, de l'Opéra actuel, achevé en 1874.

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