LOUIS XVI, SA VIE
LA REINE MARIE ANTOINETTE

 

MARIE ANTOINETTE "JOUE A LA FERMIERE" ET DEVIENT DE PLUS EN PLUS IMPOPULAIRE

En 1783, Marie Antoinette se plaît follement dans son nouveau hameau de Trianon, qu'elle préfère à la Cour glacée de Versailles. Là, elle n'entend pas, ni ne veut entendre, les rumeurs qui courent et qui enflent dangereusement. Cette résidence protégée, privilégiée, où la reine n'aspire qu'à retrouver le plaisir et le joie de vivre, passe pour un lieu de perdition.

Le Hameau de la Reine à TrianonTout commence avec le portrait de Marie Antoinette qu'Elisabeth Vigée Lebrun expose au Salon de 1783. Le peintre, membre de l'illustre Académie royale, y représente la reine de France coiffée d'une capeline fleurie et, surtout, vêtue d'une robe de mousseline blanche arachnéenne et serrée à la taille. La tenue, que Sa Majesté porte quotidiennement à Trianon, quand elle se promène, se repose dans son jardin, ou lorsqu'elle pose pour l'artiste, fait aussitôt scandale.
Les prudes censeurs et les mauvaises langues s'insurgent de voir une souveraine ainsi vêtue en servante. Un critique tonne : "Bien des gens ont trouvé déplacé qu'on offrît au public ces augustes personnages sous un vêtement réservé à l'intérieur de leur palais". Les mots "indécence", "femme en chemise" circulent de Paris à Versailles et gagnent la province. L'affaire enfle, et devient presque politique quand les satiritistes s'en mêlent, rebaptisant le tableau La France sous les traits de l'Autriche réduite à se couvrir d'une panne. Ce qui sous-entend que la reine privilégierait les drapiers de Flandre et de son frère, l'empereur d'Autriche, au détriment des fabricants de tissu français!

Marie Antoinette a beau faire retirer la toile incriminée du Salon, elle vient de lancer une nouvelle mode vestimentaire, la "robe de Gaule", au drapé dépouillé. Et aussi une rumeur beaucoup moins transparente, qui prend bien vite une incroyable ampleur.
La souveraine, depuis qu'elle se réfugie de plus en plus souvent à Trianon, a encore moins d'amis qu'auparavant à la Cour. A Versailles, ceux qu'elle n'invite jamais répandent le bruit que les fêtes intimes du hameau de la Reine sont des orgies insensées. Les commères se moquent bien que Marie Antoinette mène une existence solitaire avec ses dames de compagnie. Que seuls le roi, les princes du sang et quelques rares élus soient conviés à ses soirées. Dans la retraite de son "petit Vienne", de son "petit Schönbrunn", qui sait dans quelles débauches "l'Autrichienne" peut se complaire.
Pour mettre un frein aux bavardages, Louis XVI et Marie Antoinette finissent par ouvrir le domaine, chaque dimanche, pour un bal à "toutes les personnes vêtues honnêtement" et, bien sûr, ayant été présentées à la Cour. Les esprits chagrins continuent pourtant à froncer les sourcils, et les critiques acerbes fusent de plus belle. Les mieux informés affirment que toute cette simplicité raffinée coûte un prix fou. Déjà, en 1780, lors des premières transformations effectuées par la reine à Trianon, l'observateur sans indulgence qu'est le duc de Croÿ s'est indigné : "A la place de la grande serre chaude (qui était la plus savante d'Europe), des montagnes assez hautes, un grand rocher et une rivière; jamais deux arpents de terre n'ont tant changé de forme, ni coûté autant d'argent".

Le goût de Marie Antoinette pour le dépouillement et la simplicité ne rend pas la reine plus populaire. Bien au contraire! Nul n'applaudit à la fin de ses excentricités, ni à ses qualités de mère, pourtant indéniables. On préfère s'étonner de la cherté de tout ce qu'elle entreprend, railler ce hameau bucolique posé à Trianon comme une insulte à l'égard des vrais paysans, qui ont trop faim pour songer à planter des essences exotiques ou à cueillir des fleurs des champs. La fermière de comédie est considéré par l'opinion comme une reine assez cynique pour faire semblant de participer aux travaux de la ferme, comme si elle voulait se moquer de ses sujets.
Même si elle a mûri, Marie Antoinette refuse de prêter l'oreille à ces bruits désagréables. Elle n'a cure du qu'en dira-t-on, considère qu'elle vit à Trianon l'existence qui lui convient, commande de nouvelles toilettes, de préférence blanches, et paie sans sourciller les notes exorbitantes de sa modiste, Rose Bertin. Et puis, lorsqu'elle ne se livre pas aux plaisirs de la comédie, du chant ou du ballet, elle continue à s'abandonner aux délicieux frissons que lui procure le jeu. Et elle perd beaucoup. Elle entraîne même dans sa passion la vertueuse madame Elisabeth, sa belle-soeur. Louis XVI, lui, continue à payer ses dettes; de mauvaise grâce mais avec son sens habituel de l'honneur.

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Page MAJ ou créée le 2001

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