HENRI IV, LES PERSONNALITES

 

LES CHRONIQUES DE PIERRE DE L'ESTOILE DU REGNE D'HENRI IV

Le 2 août 1589, quand Henri IV sucède à Henri III, il y a déjà plus de quinze ans que le magistrat Pierre de L'Estoile consigne événements et anecdotes au jour le jour dans ses "Registres journaux". Il rédigera cette chronique jusqu'en septembre 1611 et portera un regard sans indulgence sur le règne du Béarnais.

Grand audiencier de la Chancellerie royale, Pierre de L'Estoile a commencé le 30 mai 1574, date de la mort de Charles IX, à consigner les petits et grands événements du règne d'Henri III. Fidèle au roi, il a été menacé d'être dagué par les ligueurs ultra-catholiques, "mais Dieu ne permit que ces conseils sanguinaires eussent lieu". Le retour à des temps plus sereins, après qu'Henri IV a "conquis" son royaume, lui permet de se consacrer davantage à ses écrits et à ses collections, qu'il ne cessera d'enrichir. Jusqu'au 27 septembre 1611, quelques jours avant sa mort, il contribuera à tenir ses Registres journaux, que Les Mémoires de Trévoux, périodique publié au XVIème siècle par les Jésuites, qualifie de "relation hardie, vraie, n'ayant ni l'enthousiasme de la passion ni l'emportement de la satire".

Pierre de L'Estoile n'est pas un peintre impartial des grands événements, à la manière d'un historien. Chroniqueur, il préfère relater des anecdotes avec une totale absence de contraintes. Se référant à l'écrivain Michel de Montaigne et à ses Essais, il affirme parler "tel que je suis, mon naturel au jour, mon âme libre et toute mienne, accoutumés à se conduire à sa mode, non toutefois méchante ni maligne, mais trop portée à une vaine curiosité et liberté".
Il résulte de cette curiosité des registres contenant une surprenante masse d'échos, de détails, de jugements personnels modérés. L'Estoile y joint des lettres de personnalités, des sonnets pamphlétaires, des libelles, qu'il recueille tels quels ou retranscrit, le tout sans hiérarchisation, sans autre ordre que chronologique. "Le premier jour de cet an 1600 commença un samedi matin, tout lequel jour ne fit que venter et pleuvoir. Les cinq autres jours, continuèrent en pluies et fut le temps très doux, et y eut, pendant iceux, tant en duels qu'en meurtres, sept hommes tués en cette ville de Paris". Dans son Journal de cette même année, le chroniqueur relate trois enfantements prodigieux, une épidémie de pleurésie, la conversion d'un seigneur de Normandie au catholicisme...

La deuxième partie des Registres journaux, qui couvre le règne d'Henri IV, commence par un récit désapprouvant les manifestations de joie qui saluent en août 1589, la mort d'Henri III, ce "pauvre prince".
La chronique devient plus directe et plus vivante que jamais, lorsque L'Estoile raconte le siège de Paris par Henri IV. Il raille les Ligueurs de la capitale, qui, au cours d'une procession guerrière, tuent, affirme-t-il, un des leurs. Il décrit avec beaucoup d'émotion certaines scènes d'août 1590, alors que le blocus affame la population : "Le mercredi 15 août, jour de Notre Dame, comme j'étais à ma porte, sur les cinq heures du soir se vint présenter à moi un pauvre homme, fort hâve, mourant de faim, qui tenait un sien d'enfant entre ses bras, d'environ cinq ans, que je vis incontinent expirer entre les bras du pauvre père, qui lui ferma les yeux en ma présence et m'assura qu'il y avait (...) plus de quinze jours qu'ils n'avaient pas vu de pain. Ce qui me fit si grande pitié qu'allant moi-même quérir un pain, je le donnai à ce pauvre homme avec une pièce d'argent".
A maintes occasions, le chroniqueur, d'ordinaire caustique, se montre sensible à la misère. Comme en mai 1595 : "Les rues de Paris se voyaient pleines de processions de pauvres, qui y affluaient de tous côtés (...), chose pitoyable à voir". Ou lorsque, durant l'épouvantable hiver 1608, il relate la fin de "plusieurs personnes mortes de froid". Cette année-là, c'est par ouï-dire, mais avec une indignation et une compassion identiques, qu'il rapporte le suicide d'un paysan de Champagne assailli par les collecteurs des impôts.
L'Estoile critique aussi vertement Henri IV, notant avec soin les sommes énormes que le roi perd au jeu ou déplorant, en 1609, "qu'il ne parle que d'impôts, enchères d'Etat, nouveaux édits et ordonnances onéreuses au peuple". Mais quand, en mai 1610, le souverain est assassiné, il rend fidèlement compte du chagrin des Parisiens : "Les boutiques se ferment, chacun crie, pleure et se lamente, grands et petits, jeunes et vieux, les femmes et les filles s'en prennent aux cheveux".

Le plus de la fiche

Page MAJ ou créée le 2002

© cliannaz@free.fr