LOUIS XVI, LES PERSONNALITES
TURGOT, UN MINISTRE EN AVANCE SUR SON TEMPS
Lorsque le jeune Louis XVI, âgé de vingt ans, appelle Turgot aux finances en 1774, il sait qu'il n'a pas à faire à un courtisan mais à un homme de cabinet, de réflexion.
Chez Anne-Robert Turgot,
l'activité intellectuelle l'emporte sur toutes les autres. A cinquante ans, ce grand gaillard au
beau visage et aux yeux bleus perçants, est un homme qui impose le respect et
l'admiration. Fils d'un prévôt des marchands de Paris, il est d'abord destiné à
l'Eglise où le mènent ses brillantes études de théologie. Mais très vite passionné
par l'économie, il étudie le droit et commence une carrière de magistrat. En 1761,
nommé intendant du Limousin, il supprime la corvée qu'il remplace par une taxe
également répartie sur la population, autorise la libre circulation des grains et
allège les charges des paysans. Il est considéré comme l'homme qu'il faut à Louis XVI
pour redresser ses finances.
1774, jour anniversaire de la Saint
Barthélemy, Louis XVI reçoit Turgot dans son cabinet, sur les injonctions du comte de
Maurepas. A la fin de ce tête à tête où Turgot est conforté dans sa charge de
ministre des Finances, le jeune Louis XVI lui déclare : "Je
vous donne ma parole d'honneur d'entrer dans toutes vos vues et de vous soutenir toujours
dans les partis courageux que vous aurez à prendre".
Et du courage il en faut à cet ancien collaborateur de l'Encyclopédie, pour mener à
bien toutes ses idées novatrices.
D'abord, comme il le dira au roi, "point de banqueroute, point
d'augmentation d'impositions, point d'emprunts". Son but avoué : ramener la
dépense au-dessous de la recette tout en économisant chaque année vingt millions de
livres. Et pour montrer l'exemple, le ministre décide de réduire ses propres
appointements de près de moitié. Chaque ministère voit son budget diminuer. Les abus
sont sévèrement chassés. Il proclame, comme il l'avait fait dans le Limousin, la
liberté de circulation des grains et de leur importation. Il supprime les corporations et
la corvée royale, met en place une subvention territoriale sans privilèges pour
l'entretien du réseau routier et crée une caisse d'escompte.
Louis XVI, malgré les opposants nombreux à la politique de Turgot (dont le banquier
genevois Necker pour qui la libre circulation des grains est contraire à tout principe
économique) suit son contrôleur général sans sourciller. Ce dernier, pour qui "la terre est la première et unique source de toute richesse",
se pose comme le chantre du développement agricole. Il souhaite une réforme fiscale qui
soit juste et bien répartie, sans privilégier les nobles. En proclamant la libre
circulation des grains dans tout le royaume, en favorisant leur transport et leur
stockage, il savait que le prix du blé allait augmenter mais c'était, selon lui, une
étape importante vers le libéralisme et vers plus de justice, car "c'est
par le commerce et par le commerce libre que l'inégalité des récoltes peut être
corrigée".
Turgot sait qu'il va se heurter aux réglementaristes qui luttent contre les spéculateurs et profiteurs du stockage. Or, l'année 1775 s'annonce mal, tant la récolte a été mauvaise. Le prix du grain augmente et des émeutes voient le jour à Grenoble, à Caen, en Champagne, en Bourgogne. Les marchands font du stockage intempestif et les prix montent. Malgré les mesures d'apaisement prises par Turgot, rien n'y fait. Sa politique trop en avance sur son temps n'est pas comprise. Il se heurte en plus à l'incompréhension des parlementaires qui se liguent contre lui. La reine et ses partisans, qui ont peur pour leurs privilèges, finissent par avoir la peau du ministre. Le roi, lui-même, finit par le renvoyer après que Turgot lui ait dit ces paroles : "N'oubliez jamais, Sire, que c'est la faiblesse qui a mis la tête de Charles 1er sur un billot". L'homme de tous les changements ne pouvait plus rien pour sauver la monarchie.
Page MAJ ou créée le 1999