LUCIENNE DE ROCHEFORT : UNE EPOUSE DE CIRCONSTANCE
En unissant la Maison capétienne aux Rochefort-Monthléry,
Philippe 1er espère se garantir contre l'une des plus puissantes familles féodales.
Mais le mariage de circonstance du futur Louis VI et de la jeune Lucienne de
Rochefort fera long feu.
Soucieux de préserver l'autorité de la monarchie face
aux puissants féodaux, Philippe 1er s'emploie à préserver l'unité du domaine
royal et à "dompter" les seigneurs brigands qui mettent l'Ile de France
en coupe réglée. Associé au trône depuis 1098, son fils, le futur Louis VI,
est le bras armé de cette politique. Les Rochefort-Monthléry, une des familles
les plus dangereuses pour le roi, tient les donjons les plus réputés des environs
de Paris, étend sa juridiction sur 300 paroisses et plus d'une centaine de fiefs.
Elle est divisée en deux branches : l'une est représentée par Gui II, dit Trousseau,
seigneur de Monthléry et de Chevreuse; l'autre a pour chef Gui 1er, dit le
Rouge, seigneur de Rochefort. Ces châtelains rapaces et intraitables doivent
à tout prix être soumis, mais, l'influence de Bertrade de Montfort, l'épouse
adorée du roi, l'emportant, on recourt à la diplomatie faute d'oser agir par
la force. En 1104, au lieu de traiter les Rochefort-Monthléry comme l'ont
été les Montmorency, les Beaumont et les Roucy, dont le jeune Louis, dans les
années 1101 et 1102, a pris les châteaux tout en s'en faisant de fidèles compagnons
pour l'avenir, on les fait entrer dans la famille royale et dans le Gouvernement.
Il est convenu que Philippe, l'aîné des fils de Bertrade
de Montfort et du roi, épousera Elisabeth, la fille unique de Gui Trousseau,
lequel ne peut que s'en réjouir car il est revenu de Terre Sainte ruiné et précédé
d'une fâcheuse réputation. A la demande de son père, et sur les instances de
sa belle-mère, le prince Louis cède à son demi-frère le château et la seigneurie
de Mantes; les possessions apportées en dot au jeune Philippe, devenu comte
de Mantes et âgé seulement de douze ans, vont se trouver naturellement sous
la garde du roi. En échange, Louis, tout en restant de fait maître de Mantes,
obtient la mainmise sur la forteresse de Monthléry, objet des plus ardentes
convoitises. Mais, pour sceller cet engagement, il faut s'assurer à tout
prix l'assentiment des Rochefort. Gui le Rouge revient lui aussi de Jérusalem,
mais, contrairement à son neveu Gui Trousseau, auréolé de la gloire de ceux
qui ont combattu en braves, et on lui rend la charge de sénéchal qu'il avait
perdue en partant pour la Palestine. Le titulaire de cette fonction, la plus
haute de la Cour, exerce le commandement de l'armée, participe à la justice
et au contrôle des prévots, faisant un peu figure de maire du palais. Pour renforcer
encore plus étroitement cette alliance, Philippe 1er prie son fils, réticent
au mariage, de consentir à épouser la fille de Gui le Rouge, Lucienne de Rochefort,
qui n'est pas encore nubile. Persuade-t-on Louis que la raison d'Etat rend cette
union indispensable? Maîtrise-t-il sa répugnance en considérant ce mariage comme
provisoire? Car les liens de parenté qui unissent, paraît-il, la Maison de France
et celle de Rochefort, lui assurent le motif d'un divorce qu'il pourra faire
sanctionner au moment opportun par l'autorité ecclésiastique. Toujours est-il
que Louis se soumet et épouse Lucienne.
Gui le Rouge ne tarde pas à profiter de sa situation en
transmettant son office à son fils, Hugues de Crécy. Exerçant ainsi la mainmise
sur le pouvoir, les Rochefort menacent gravement l'indépendance du souverain;
et lèsent encore plus les intérêts de Louis en favorisant les desseins secrets
de Bertrade de Montfort, qui songe à s'en faire des alliés pour placer son fils
sur le trône. Mais une autre puissante famille, celle des Garlande, alors
en disgrâce à la Cour, s'indigne, arguant que le roi ne retire même pas de ces
arrangements l'avantage escompté : la possession tranquille du donjon de Monthléry,
auquel le frère de Gui Trousseau, Milon de Brai, n'entend pas renoncer. Louis
supporte de plus en plus mal un ascendant exercé par des ennemis héréditaires
de la Maison capétienne. Quant aux grands du royaume, ils considèrent son mariage
avec la fille d'un simple châtelain fort peu conforme à la dignité royale. En
1107, l'intérêt des Garlande se confondant avec celui du prince, le parti d'opposition
aux Rochefort se trouve assez puissant pour faire entrer dans ses vues le pape
Pascal II. Au concile de Troyes, le souverain pontife déclare nulle, au prétexte
de consanguinité, l'union de Louis et de Lucienne. Les Rochefort entrent
alors en guerre ouverte contre la monarchie en s'alliant au comte Thibaud IV
de Troyes. Leur défaite entraînera le début de leur déchéance : la charge de
sénéchal leur sera enlevée, ainsi qu'une partie de leurs domaines. Quant aux
Garlande, ils vont s'assurer pour près de vingt ans la première place à la Cour.
Le plus de la fiche
Page MAJ ou créée le
© cliannaz@free.fr
|