LA PREMIERE REUNION DES ETATS GENERAUX DU ROYAUME (10 avril 1302)
Depuis 1296, Philippe le Bel est en conflit
avec le pape Boniface VIII. Instruit dans le culte de la théocratie,
le souverain pontife entend imposer au Capétien l'autorité et
la prééminence de Rome, tant sur le plan sirituel que temporel.
Le roi de France va riposter en convoquant nobles, évêques et bourgeois
à des "états généraux". Pour la première
fois, "l'opinion publique" va s'immiscer dans les affaires du royaume.
Depuis l'année précédente,
le conflit qui oppose Philippe le Bel au pape Boniface VIII s'est envenimé.
Le pontife affirme la primauté de Rome, tant sur le plan spirituel que
temporel, sur celle des souverains, aussi puissants soient-ils. Le roi de France
ne l'entend pas de cette oreille. Il n'est pas question que le Saint Siège
lui dicte sa conduite, et il est fermement déterminé à
faire entendre raison à l'arrogant Boniface VIII. Alors que le pape a
convoqué un concile pour le mois de novembre 1302, Philippe le Bel décide
de répliquer en faisant la démonstration de l'unité de
son royaume et de l'adhésion de ses sujets à sa politique. Pour
la première fois, "l'opinion publique" va avoir voix au chapitre. Les
Capétiens ont instauré la coutume d'une "Cour élargie"
afin, de temps à autre, de demander aide ou conseil à leurs vassaux
et sujets pour régler certaines affaires délicates. Au cours des
décennies précédentes, ils ont convoqué tantôt
des nobles, tantôt des évêques, des bourgeois des villes.
Pour la première fois, tous vont être appelés ensemble pour
ce qui fait figure de première réunion des états généraux
du royaume.
Dans un premier temps, les conseillers de
Philippe le Bel ont lancé une virulente campagne contre le pape. Ils
ont fait circuler des textes vengeurs dans lesquels le monarque refuse toute
hégémonie de Rome. Puis, une assemblée, qui réunira
des barons, des prélats et des représentants des chapitres et
des villes, est convoquée à Notre Dame de Paris. Devant près
d'un millier de participants, le chancelier du roi, Pierre Flotte, ouvre les
débats. Par un discours très habile exposant les thèses
royales, il dénonce les abus du Saint Siège, accusé de
léser les intérêts de l'Eglise de France. Il rappelle que
Philippe le Bel tient son royaume de Dieu et non du pape, à qui il n'a
aucun compte à rendre. Enfin, il conjure l'assistance d'aider le monarque
à défendre les libertés du royaume et celles de son Eglise
contre la tyrannie pontificale. Lorsqu'il prend à son tour la parole,
Philippe le Bel ne mâche pas ses mots : "De
qui tenez vous vos évêchés?",
demande-t-il au clergé. "De
qui tenez vous vos fiefs?", demande-t-il à
la noblesse. Et tous de répondre, évidemment "du
roi". Après cette adresse impérieuse
et sans ambiguïté, le roi propose aux "trois ordres" de
se retirer pour conférer avant de lui faire part de leurs conclusions.
Durant plusieurs heures, clercs et laïcs
délibèrent séparément. De retour en assemblée
plénière, nobles et bourgeois présentent leurs comptes
rendus, réaffirmant sans équivoque la souveraineté pleine
et entière du roi, accusent de tous les maux "qui à présent
sied au siège du gouvernement de l'Eglise" et engagent le clergé
à ne pas cautionner les "folles entreprises" de Boniface
VIII. Mais les clercs restent sur la défensive, car l'affaire
peut conduire au schisme. Il sollicitent un délai de réflexion
et l'autorisation d'assister au concile que le pape a prévu de réunir
à Rome. Philippe le Bel n'a que faire des scrupules de quelques évêques.
Il hausse le ton, refuse toute concession et exige une réponse immédiate.
Embarrassés, les clercs l'assurent de leur fidélité et
s'engagent à ne point répondre à la convocation de Boniface
VIII. A celui-ci, ils adressent un mémoire reprenant la thèse
royale et se justifient en soulignant que la pression de l'opinion leur a interdit
toute résistance. Ils cherchent ainsi à ménager la papauté
tout en assurant le roi de leur fidélité, à laquelle ils
sont tenus par serment et d'autant plus que nombre d'entre eux tiennent des
tierres en fief. La manoeuvre du roi de France se révèle un
succès complet. Boniface VIII, fort impresssionné par la relation
qui lui a été faite de la réunion d'avril, tempère
ses prétentions. Mais, en juillet, à Courtrai, les Flamands écrasent
les troupes de Philippe le Bel. Le Capétien ainsi affaibli, le pape va
profiter de la situation pour relancer la querelle.
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