LES CAPETIENS
LOUIS VI LE GROS, LES ARTS
ET LES SCIENCES
LE TRESOR DE L'ABBAYE DE SAINT DENIS
En 1120, Louis VI dépose la couronne de son défunt père Philippe 1er dans le Trésor de Saint Denis. Par ce geste sans précédent, le roi fait de la puissante abbaye la gardienne des objets du sacre ou regalia. C'est le début d'une ère de rayonnement politique extraordinaire pour l'abbaye de Saint Denis, qui va voir son trésor s'enrichir d'un nombre considérable de précieux objets.
Nécropole des rois de France depuis le VIIème siècle,
l'abbaye de Saint Denis fait figure de haut lieu et de guide spirituel de la
monarchie. Son rôle politique et religieux lui vaut d'être la dépositaire de
nombreuses richesses. Au fil des siècles, son fabuleux trésor va se voir constamment
augmenté des dons des rois et des reines, des abbés et des puissants. En dépit
des vols et des pillages, l'inventaire dressé en 1634 recensera encore 145 objets
précieux.
Dagobert 1er, qui, au VIIème siècle à présidé à la "refondation"
de Saint Denis, est le premier grand donateur du trésor de l'abbaye. Comme son
ministre Eloi, devenu le saint patron des orfèvres, qui a fait orner l'église
d'une magnifique croix en or cloisonné, dont un fragment est conservé aujourd'hui
à la Bibliothèque Nationale. En revanche, le "trône de Dagobert",
en bronze, ne date pas du règne du roi mérovingien, mais du VIIIème siècle et
des débuts de l'époque carolingienne, et comporte des rajouts postérieurs. C'est
malgré tout une très belle pièce historique qui sera utilisée par l'empereur
Napoléon 1er en 1804.
Sous Charles II le Chauve, qui est aussi abbé laïc de
Saint Denis de 867 à 877, le trésor se trouve considérablement augmenté. Le
Carolingien fait don d'un autel en or, de la fameuse "coupe des Ptolémées"
(objet antique en agate datant du 1er siècle de notre ère et utilisé comme calice
lors du sacre des reines), de la non moins célèbre "patène de serpentine"
(soucoupe en serpentine datant du 1er siècle et enrichie au IXème siècle d'une
monture en or cloisonné et incrustée de petits poissons en or) et d'un portique
en or ajouré et rehaussé de pierres précieuses. De plus, il lègue à l'abbaye
une grande partie de sa bibliothèque : les magnifiques ivoires conservés à la
Bibliothèque Nationale sont probablement des vestiges des reliures de ses précieux
manuscrits.
Certaines pièces datant du Moyen Age sont rattachés au souvenir
du grand Charlemagne, à défaut d'avoir été véritablement léguées par l'Empereur
d'Occident. Ainsi, les seize pièces de "l'échiquier de Charlemagne",
extraordinaire ensemble de rois, reines, cavaliers, chars et éléphants en ivoire,
qui ont été réalisées à la fin du XIème siècle par un atelier du sud de l'Italie.
En 1120, lorsque Louis VI fait de Saint Denis la gardienne des objets du
sacre, le trésor est déjà très riche. Consacré abbé en mars 1122, Suger, ami
et conseiller du roi, qui ambitionne de faire de son abbaye la plus puissante
d'Occident, va amasser maintes nouvelles richesses. D'autant qu'il éprouve une
véritable passion pour les oeuvres d'art, dont l'éclat le plonge dans un ravissement
proche de l'extase, le faisant passer "d'un monde
inférieur à un monde supérieur".
Admirateur des pièces anciennes, Suger fait restaurer
le trône de Dagobert (c'est lui qui rattache le nom du Mérovingien à ce siège
pliant). Il fait réaliser divers monuments d'orfèvrerie, dont un triple tombeau
dans lequel sont placées les reliques de Saint Denis et de ses disciples Rustique
et Eleuthère. Il achète des objets liturgiques, comme des vases antiques en
pierre dure qu'il fait orner de montures en métal précieux et qui portent aujourd'hui
son nom. Le plus célèbre est "l'aigle de Suger", magnifique
vase en porphyre surmonté d'une tête d'aigle en argent doré. Un autre vase,
en cristal de roche, a été donné à l'abbé par Louis VII : le roi le tient de
sa première femme, Aliénor d'Aquitaine, qui a hérité de son grand-père, le duc
Guillaume IX d'Aquitaine, ce cadeau offert par un prince musulman d'Espagne.
Tant
de richesses suscitent autant l'envie que la critique! Pour faire taire les
mauvaises langues (comme son austère contemporain l'abbé Bernard de Clairvaux,
que ses goûts somptuaires exaspèrent et qui ne se gêne pas pour le faire remarquer),
Suger s'explique longuement dans ses écrits, en particulier sur le soin qu'il
accorde à l'ornementation de ses vases liturgiques. Mais les hommes du Moyen
Age considèrenet en général que "rien n'est trop beau
de ce qui doit être consacré à Dieu" : l'abbé Suger peut donc en
toute bonne conscience enrichir de manière considérable le trésor de son église.
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