LES CAPETIENS
LOUIS IX ET LES PERSONNALITES

 

THOMAS D'AQUIN, UN PHILOSOPHE ITALIEN A PARIS

Théologien et philosophe, le moine dominicain Thomas d'Aquin a suivi les cours de la Sorbonne; puis a rejoint les rangs des professeurs de la célèbre université parisienne. L'homme et sa pensée, le "thomisme", qui marqueront l'Occident chrétien, ont été également appréciés de Louis IX.

En compagnie de quelques moines, le jeune Thomas d'Aquin a pris la route de Paris, dont l'université rayonne sur toute l'Europe. Soudain, au nord de Rome, la petite troupe est attaquée. Enlevé, Thomas se retrouve au château familial, enfermé à double tour!
Fils d'une famille de la grande aristocratie italienne, Thomas d'Aquin a défié l'autorité paternelle en entrant chez les dominicains. Passe encore qu'il se fasse moine bénédictin et qu'on lui trouve une prestigieuse place d'abbé. Puisqu'il veut entrer dans les ordres, on le destine à l'abbaye du Mont Cassin, le couvent des couvents où Benoît de Nursie a inventé le monachisme occidental et écrit sa fameuse règle. Pour le seigneur Landolphe d'Aquino, l'affaire est entendue. Pour son fils, il n'en va pas de même. Thomas a la ferme volonté de se faire dominicain. Comme Saint François et ses franciscains, l'ordre des prêcheurs, qui vient tout juste d'être créé par Saint Dominique, près de Toulouse, révolutionne la vie monastique. Mais y entrer ne confère pas, loin de là, autant de prestige que d'intégrer une grande abbaye bénédictine comme celle du Mont Cassin. Bras armé de l'Eglise contre les hérésies, l'ordre dominicain va cependant, au fil des siècles, donner de grands intellectuels au Christianisme. Immense penseur du XIIIème siècle, Thomas d'Aquin sera l'un d'eux. L'opposition de son père aurait pu être fatale à la pensée occidentale.
Enlevé probablement par ses propres frères (il en a sept), voilà donc, pour l'heure, le dominicain enfermé au château. Pour le détourner de sa vocation, on lui envoie une prostituée. En vain. Sans doute avec la complicité de ses soeurs, le moine réussit à prendre la clé des champs.

Déjà fin lettré, après avoir acquis une solide formation à Naples, Thomas d'Aquin suit à Cologne les cours du dominicain Albert le Grand, philosophe à la haute stature intellectuelle, l'un des maîtres à penser de son temps. Ce dernier remarque cet élève discret et brocardé par ses camarades : "Vous l'appelez le boeuf muet et moi je vous dis que le mugissement de ce boeuf emplira l'univers", affirme-t-il aux moqueurs. Le jeune italien découvre et approfondit Aristote auprès de son glorieux aîné, qui oriente définitivement le cours de sa pensée et le futur "thomisme", la philosophie de Thomas d'Aquin.
Si le dominicain se rend à Paris, c'est pour y apprendre encore davantage. En 1256, il obtient le grade de "maître ès arts" de la Sorbonne. Son diplôme en poche, il rejoint les rangs des professeurs de la célèbre université. Intellectuel brillant, Thomas d'Aquin va mener une grande carrière d'enseignant, à Paris comme à Rome et à Naples. A deux reprises, de 1256 à 1259, puis de 1269 à 1272, il séjourne longuement dans la capitale. Il y compte de nombreux élèves. Ce qui déplaît fort au clergé séculier, qui se bat bec et ongles contre les dominicains et les franciscains, qui prennent une place de plus en plus importante au sein de l'Université. Au point que le pape et le roi de France devront intervenir maintes fois pour tenter de ramener le calme.

A Paris, comme partout ailleurs, Thomas d'Aquin ferraille intellectuellement. Il s'oppose amicalement au franciscain Bonaventure, défenseur de la pensée chrétienne "classique", marquée par l'augustinisme et le néoplatonicisme. A deux reprises, en 1270 et 1277, Etienne Tempier, l'évêque de Paris, condamne les thèses du dominicain. La seconde fois, le penseur chrétien est mort depuis trois ans! Spirituellement proche des franciscains, Louis IX n'en convie pas moins Thomas d'Aquin à partager ses repas. Toujours silencieux, guère enclin à se mêler aux discussions, le philosophe, lors d'un dîner à la table du roi, crée l'événement. Tout à coup, il s'exclame bruyamment an tapant du poing : "Voilà qui fera taire les manichéens!" Absorbé dans ses pensées, il avait oublié où il était, et en quelle compagnie... Qu'importe! Louis IX, loin d'en prendre ombrage, fait prestement mander ses secrétaires pour prendre en note les nouveaux arguments philosophiques découverts par son hôte. Mais le plus important sans doute est que la pensée thomiste satisfait profondément le monarque. Thomas d'Aquin, pour qui l'Etat est une expression naturelle des hommes, repense les rapports entre l'Eglise et le pouvoir temporel.
La mort empêchera Thomas d'Aquin, alors enseignant à Naples, de revenir en France. Devant participer comme théologien au deuxième concile de Lyon en 1274, il tombe malade en route et s'éteint au monastère de Fossa Nova.

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