CHARLEMAGNE, CHEF D'ETAT

 

 LES CAPITULAIRES DE CHARLEMAGNE
(779)

Avec les capitulaires, Charlemagne esquisse les bases d'une législation territoriale uniforme. Régissant la vie des soldats et la justice, ils s'étendent aussi à la vie quotidienne de ses sujets et à la gestion des domaines fonciers. Mais ces textes de lois, très difficilement mis en application, ne parviennent pas à s'imposer. Ils disparaîtront avec les Carolingiens.

Les Mérovingiens avaient déjà recours à ces grandes réunions annuelles au cours desquelles étaient adoptés des édits ou "constitutions". En mars, des assemblées baptisées "champs de mars", réunissaient autour du roi les grands du royaume, laïcs comme ecclésiastiques. Lors de ces "plaids généraux", le souverain faisait part à ces vassaux de ses décisions. Ces ordonnances royales (concernant quasi exclusivement la vie militaire ou la justice) étaient approuvées par acclamation.

Charlemagne, puis son fils Louis le Pieux, perpétuent et amplifient cette pratique législative. La cavalerie succédant aux fantassins, c'est désormais en mai (puisqu'il faut de l'herbe dans les prés pour les chevaux) que les puissants de l'empire s'assemblent. Ces "champs de mai" (les soldats étant conviés en armes) précèdent bien souvent des raids de pillage. Au cours de ce rassemblement, qui si les circonstances l'imposent, peut avoir lieu plusieurs fois dans l'année, sont examinés, discutés, élaborés puis rédigés en latin les capitulaires. Ces textes législatifs doivent leur nom à leur découpage en petits chapitres, les capitularia.

Le roi soumet s'abord ses propositions à l'assemblée. Puis, et parfois pendant plusieurs jours, les nobles, les évêques et les militaires délibèrent. Une fois le consensus trouvé, ils font part de leurs décision au roi, qui a cependant le dernier mot. Mais de fait, le souverain n'est plus, en apparence du moins, seul décisionnaire des lois régissant son royaume : il en devient à la fois l'arbitre, le médiateur et le garant. Finalement, il se préoccupe moins de l'assentiment général que de l'établissement, avec ceux qui l'entourent, des bases consensuelles permettant à son pouvoir de se maintenir.
Maître de l'Empire chrétien d'Occident, Charlemagne est persuadé qu'il est responsable devant Dieu de la façon dont vivent les peuples soumis à son autorité. Il n'a donc de cesse de tenter de légiférer dans tous les domaines touchant à la vie quotidienne. Un de ses capitulaires, datant de 789, s'étonne ainsi "de la pâleur des religieuses causée par des saignées trop fréquentes". Un autre, datant de 803, condamne explicitement les mariages consanguins. Le premier capitulaire émanant de Charlemagne est celui de Herstal datant de 779. Il exite quatre catégories de capitulaires : les per se scribenda émanent directement du roi, les pro lege temenda, approuvés par le conseil de l'empire, ont force de loi, les legibus addenda amendent les lois nationales des peuples germains, les missorum renferment les instructions destinées aux missi dominici.

Pourtant, même s'ils ont parfois force de loi, les capitulaires ont bien souvent de grandes difficultés à être appliqués. D'abord parce qu'ils ne peuvent pas toujours se substituer à la diversité des droits coexistants sur tout le territoire. Les Carolingiens, en effet, respectent le principe ancestral du "à chaque peuple sa loi". Selon qu'il est Franc, Scythe, Aquitain, Lombard, Burgonde ou Alaman, esclave ou homme libre, chacun doit préciser, avant d'être jugé, à quelle législation nationale il appartient. Charlemagne, soucieux de ce respect, fait d'ailleurs consigner par écrit les lois des peuples placés sous sa domination jusqu'alors transmises par la tradition orale. La seconde difficulté est qu'une fois les capitulaires entérinés et promulgués par le roi, il revient aux comtes de les faire connaître dans leurs comtés, et de veiller à leur application. Mais les comtes ne sont pas toujours très fiables. C'est pourquoi Charlemagne décide d'instituer des missi dominici, ses envoyés spéciaux dans les provinces, dont un capitulaire datant de 802 précise le rôle et les pouvoirs. Malgré ces précautions, les capitulaires demeurent lettre morte.
Même si les historiens s'accordent à reconnaître l'importance fondamentale des capitulaires, notamment pour l'étude des institutions entre le VIIIème et le IXème siècle, peu de textes originaux sont parvenus jusqu'à nous. De ces actes législatifs, il ne reste le plus souvent que des copies, exécutées par des moines. Plus de 220 capitulaires ont été recensés, de Pépin le Bref à Charles le Simple, le plus récent datant de 884. Subsistent également plusieurs recueils de ces textes dont le plus célèbre est celui de Saint Anségise, abbé de Fontenelle, qui a réuni en 827 les capitulaires de Charlemagne et de Louis le Pieux.

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