CHARLES II LE CHAUVE, CHEF DE GUERRE
DEFAIT PAR LES BRETONS
(22 NOVEMBRE 845)
Profitant des rivalités qui opposent les fils de feu l'empereur Louis 1er le Pieux, les Bretons, qui n'ont jamais accepté la domination des Carolingiens, se soulèvent contre l'autorité de Charles le Chauve. Leur chef, Nominoé, va se révéler un irréductible ennemi et défaire les troupes du roi des Francs à la bataille de Ballon, le 22 novembre 845.
A la mort de l'empereur Louis 1er le Pieux, en juin 840,
le chef breton Nominoé adopte une attitude perfide : alors qu'il devrait faire
allégeance à Charles II le Chauve, il prétend se placer sous l'autorité impériale
de Lothaire 1er, le frère du roi des Francs, la seule qu'il reconnaît comme
légitime. S'il agit ainsi, c'est parce que, assoiffé de pouvoir et d'indépendance,
il rêve de se débarrasser des liens qui l'assujettissent à l'Empire. On lui
prête même l'intention de constituer, à partir du Vannetais, un royaume extrême-occidental.
Obstiné,
courageux, intelligent et plein de ressources, Nominoé dissimule sous des dehors
pittoresques une fourberie et une cruauté que ne tempère aucune valeur morale.
Avide de richesses et de puissance, il règne sans partage sur le peuple breton.
Une erreur diplomatique commise par le jeune roi Charles le Chauve va lui donner
l'occasion de manifester ses véritables intentions.
Deux seigneurs briguent la succession du comte franc de Nantes
qui est mort au combat : le Poitevin Renaud et Lambert, dont un parent homonyme
a été l'un des partisans de Lothaire 1er. Lambert, qui a brillamment rempli
une mission que Charles le Chauve lui a confiée auprès de Nominoé, pense avoir
mérité une récompense pour ce haut fait. Mais le roi n'a pas entière confiance
en lui et, en 842, préfère attribuer le titre de comte de Nantes à Renaud. Lambert
riposte immédiatement en se rendant en Bretagne, où il encourage Nominoé à passer
à l'action contre le souverain, arguant de la faiblesse du pouvoir central.
Le
mouvement de rébellion lancé par Nominoé, qui s'est autoproclamé duc des Bretons
et a fait alliance avec les Lambertides, la famille de Lambert en charge de
la Marche de Bretagne, va durer de longues années et faire de l'Ouest, de Nantes
au Mans et au Cotentin, la région la plus agitée du royaume franc.
En 843,
Renaud et plusieurs de ses partisans sont tués alors qu'ils s'opposent à Lambert
appuyé par une troupe bretonne commandée par le fils de Nominoé, Erispoé. Au
cours de l'été, tandis que Charles le Chauve guerroie en Aquitaine, les Nantais,
en butte à une offensive des Vikings, appellent Lambert au secours. Celui-ci
profite de la situation pour s'implanter solidement dans la cité et distribuer
généreusement les territoires environnants à ses parents et amis. C'est seulement
à la fin de l'année que le roi peut intervenir : il confie la Touraine et le
Poitou à la garde de ses fidèles et s'en va courir sus aux Bretons.
Peine perdue : l'été suivant, passant par le Maine, Nominoé
s'engouffre en direction du Mans, pillant tout sur son passage. Charles le Chauve
décide alors de prendre personnellement en main la défense de la région menacée.
Il s'y rend en 845 et y reste jusqu'à l'automne, attendant en vain les renforts
nécessaires à une grande offensive.
En novembre, la rumeur court qu'une révolte
se prépare en Armorique. Les Bretons ont-ils réellement l'intention de se soulever
et de demander l'aide du roi? Ce bruit est-il répandu à dessein afin d'attirer
les Francs dans un piège? Toujours est-il que, à la tête d'une petite troupe,
Charles le Chauve passe la Vilaine. Nominoé, qui connaît bien le terrain et
a été prévenu de son avancée, l'entraîne dans les marécages de Ballon, au nord
de Redon. Le 22 novembre, les Francs sont encerclés et vaincus par la cavalerie
légère des Bretons, et le souverain manque de peu d'être capturé par l'ennemi.
Réfugié
au Mans, Charles le Chauve revient à la méthode diplomatique et négocie par
l'intermédiaire de Lambert. En 846, par un traité, il doit reconnaître à Nominoé
l'autorité sur les comtés de Rennes et de Nantes et, à condition qu'il lui rende
hommage, l'autonomie dans les limites de ses frontières. Ce qui n'empêche pas
le Breton de ravager Bagneux, puis l'Anjou, Nantes et Le Mans, et de multiplier
les razzias.
A sa mort, survenue le 7 mars 851, à Vendôme, se fait jour une
légende selon laquelle Saint Maurille, protecteur de la ville d'Angers, serait
apparu tel un vengeur céleste et l'aurait assommé avec sa crosse... Providentielle
ou pas, la disparition soudaine de Nominoé délivre le roi des Francs de son
ennemi le plus irréductible.
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