LES CAROLINGIENS

CHARLEMAGNE, CHEF D'ETAT

 

LES MISSI DOMINICI, NAISSANCE D'UNE INSTITUTION
(789)

De tout temps, les pouvoirs centraux ont mis en place des moyens de contrôle de leur administration locale. Mais si, dès l'époque mérovingienne, il est déjà d'usage de déléguer des contrôleurs royaux, c'est la monarchie carolingienne, et surtout Charlemagne, qui va établir le fameux statut des missi dominici.

Au temps des Mérovingiens, les missi dominici ne sont que des envoyés ponctuels qui sont loin de contrôler l'ensemble du royaume. Ce n'est qu'à la fin du VIIIème siècle que Charlemagne va donner ses lettres de noblesse à cette célèbre institution, partie intégrante de son système de gouvernement.

Dès 789, Charlemagne charge un groupe de missi dominici, sélectionnés parmi les vassaux du palais royal, d'obtenir de tous ses sujets un serment de fidélité. Les "envoyés du maître" doivent également vérifier si les capitulaires, équivalents de nos lois actuelles, sont correctement appliqués par les autorités locales. Ils doivent couvrir tout le royaume, y compris les terres les plus inaccessibles telles la lointaine Aquitaine ou l'escarpée Lombardie. Cette mission d'envergure pose les bases de leur institutionnalisation.
L'opération est réitérée en 792. Les missi dominici doivent faire comprendre à ceux qui prêtent serment que, désormais, toute infraction à la loi civile est assimilée à un véritable parjure.
En l'an 800, le tout jeune empire de Charlemagne, qui s'étend de la mer du Nord à la Toscane, de l'Elbe et du Danube aux Pyrénées et regroupe près de 15 millions d'âmes, est partagé en 300 comtés environ. Un comte (nommé par le roi et chargé de faire appliquer les capitulaires) et un évêque s'y partagent le pouvoir. Même si ces représentants régionaux sont volontairement délégués là où ils n'ont aucun intérêt personnel, des fraudes sont possibles et les missi dominici vont progressivement devenir les garants de la probité de l'administration locale.

En 802, chargés de mettre en place le serment de fidélité, empreint d'une solennité jamais atteinte, au tout nouvel empereur et de faire connaître les nouveaux capitulaires qui se multiplient, les missi dominici voient leurs prérogatives s'étoffer et se systématiser. Ils contrôlent dorénavant la gestion des autorités locales, sanctionnent les administrateurs négligents, enquêtent sur les cas litigieux, instruisent les affaires judiciaires les plus graves et désignent les échevins locaux, sortes de juges spécialisés dans le droit coutumier. Principaux instruments de la centralisation impériale, ils s'assurent de la perception de l'impôt, veillent à l'état des routes, supervisent les travaux publics et l'entretien du domaine royal. Enfin, à leur retour au Palais, ils rendent compte de leurs activités, notamment en signalant tout abus à l'empereur.
D'autre part, les règles de leur nomination et de leur fonctionnement deviennent très strictes. Au nombre de deux au moins (pour se contrôler l'un l'autre), un ecclésiastique, évêque ou abbé, et un laïc, toujours un comte, ils doivent exercer dans une autre région que celle où ils sont en fonction, pour ne pas être juge et partie, région toutefois pas trop éloignée pour des raisons pratiques de déplacement. Chaque couple de missi dominici a juridiction sur un groupe de six à dix comtés (le missaticum) dont la liste est fixée lors de leur nomination. Leur mission se répartit en quatre tournées annuelles de plusieurs semaines chacune ; en janvier, en avril, en juillet et en octobre.
A la mort de l'empereur, en 814, le système est devenu un rouage essentiel du gouvernement. Mais on peut se demander comment des hommes aussi surchargés de tâches (étant à la fois missi dominici et évêques ou comtes) et appartenant au même milieu social que ceux qu'ils doivent contrôler peuvent effectuer correctement leur travail. En fait, leur efficacité est étroitement liée à l'habileté politique de Charlemagne. Ses successeurs seront moins brillants et, après 843, l'institution des missi dominici apparaîtra comme une survivance sclérosée, rendue particulièrement inefficace par l'habitude vite prise de choisir ces fonctionnaires parmi l'aristocratie des régions devant être inspectées! Au Xème siècle, les missi dominici ont complètement disparu.

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