CHARLEMAGNE, CHEF DE GUERRE
La guerre
contre les Saxons (772 - 792)
LES PIRES ENNEMIS DES FRANCS
Agriculteurs, païens vénérant des idoles et n'ayant pas de roi, les Saxons sont aussi de redoutables guerriers passés maîtres dans l'art militaire. A partir de 772, ils seront pour Charlemagne les adversaires les plus redoutables et les plus longs à vaincre.
Le territoire des Saxons, situé à une cinquantaine de kilomètres
au delà du Rhin, est sillonné de rivières, couvert de forêts et de tourbières.
Il est habité par des tribus germaniques, qui, au début du VIIIème siècle, se
sont rassemblées en quatre grands peuples : les Westphaliens (Saxons de l'Ouest),
établis du Rhin à la Weser; les Angariens, à l'est de ce fleuve; les Ostphaliens
(Saxons de l'Est), dans le massif montagneux du Harz, et les Noralbigiens, dans
les plaines du Holstein.
Les Saxons ne sont soudés par aucune entité politique,
bien que la légende veuille qu'ils tiennent tous les ans une assemblée à Marklô,
sur la Weser. Leur pays est, comme celui des Francs, divisé en cantons et la
population se répartit en trois classes : les nobles, qui possèdent les châteaux
et les enceintes fortifiées, les hommes libres et les laz, au statut intermédiaire
entre celui d'affranchi et celui d'esclave. Tous obéissent à une loi non écrite
et s'expriment dans un dialecte germanique particulier. D'origine maritime,
mais devenus agriculteurs, ils cultivent l'orge, le seigle et l'avoine, élèvent
des bovins et des chevaux, dont ils font commerce.
Les relations entre les Francs et les Saxons sont depuis
des siècles orageuses, en grande partie à cause du flou des frontières qui les
séparent. Maintes agressions et tentatives d'invasion sont à mettre au compte
des uns et des autres. "Le tracé de leurs frontières
et des nôtres pourrait être la cause d'une perturbation quotidienne de la paix.
Sauf en quelques endroits où de grands bois et des montagnes déterminent avec
précision les limites des territoires, celles-ci sont presque partout en plaine
et les meurtres, les rapines et les incendies n'y cessent pas, dus aux uns et
aux autres. Les Francs finissent par en être à ce point irrités que, jugeant
insuffisant de rendre les coups, ils estimèrent qu'il était nécessaire d'entreprendre
contre les Saxons une guerre ouverte", explique Eginhard, le biographe
de Charlemagne.
L'animosité des Saxons à l'égard des Francs est également
due à un certain dépit. Ayant appuyé les Francs lors de la conquête de la Thuringe,
ils supportent mal désormais d'être tributaires de leurs voisins et d'être refoulés
vers l'Est. Ils s'efforcent continuellement de gagner du terrain le long du
Hellweg, depuis l'Antiquité route traditionnelle le long de la Lippe en direction
du Rhin, et des heurts se produisent continuellement avec les troupes franques
qui protègent la Hesse et l'Austrasie.
Pour toutes ces raisons, il faudra à Charlemagne beaucoup
de temps et un grand nombre de campagnes pour réussir à soumettre enfin les
Saxons; qui n'accordent en outre aucune valeur au serment prêté au roi des Francs
et peuvent le rompre à tout moment. Sans compter que la multiplicité des chefs
complique encore les choses : il faut vaincre l'adversaire peuple après peuple,
canton après canton. La lutte est d'autant plus difficile que les tribus ennemies
sont expertes dans l'art militaire. Leurs châteaux, Heresburg et Sigiburg, qui
dominent les vallées de la Diemel et de la Ruhr, sont des forteresses remarquablement
situées du point de vue stratégique. Avec de la terre, des arbres et des grillages,
elles sont capables de construire des camps et des fortifications pratiquement
inviolables. Elles utilisent des machines de guerre, lancent leurs projectiles
avec des perrières. Pour elles, ruses et stratégie de bataille n'ont pas de
secret, et elles sont grandement favorisées par la rareté des chemins praticables
et par les protections naturelles que constituent les forêts et les marécages.
Elles bénéficient également, en cas de besoin, du soutien d'alliés, eux aussi
païens et hostiles aux Francs, tels les peuples de la Frise orientale.
Tous
ces atouts rendent les Saxons grandement redoutables et les Francs en ont bien
conscience. "La race des Saxons est vigoureuse et puissante à la guerre",
constate Alcuin, le conseiller de Charlemagne. Mais le roi des Francs est bien
décidé à vaincre. Dès 772, il va lancer sa première campagne contre les Saxons
: ce sera le début d'une guerre qui durera plus de trente ans.
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