CHARLEMAGNE, CHEF DE GUERRE
La guerre
contre les Saxons (772 - 792)
LA SOUMISSION DE WIDUKIND
Depuis des années, Charlemagne lutte
pour convertir la Saxe païenne au christianisme et pacifier un peuple rebelle
qui menace les frontières orientales de son royaume. En 785, il va enfin obtenir
la soumission du chef Widukind, ainsi que sa conversion au christianisme, qui
inaugurera une véritable conquête religieuse.
En 782, après avoir maté la rébellion saxonne
menée par le chef Widukind, Charlemagne est reparti pour son royaume. Il se
trouve à Thionville lorsqu'il apprend que les Saxons recommencent à se rassembler
et à s'agiter de façon inquiétante. Sitôt qu'il a veillé au bon déroulement
des funérailles de la reine Hildegarde, décédée en mai 783, il ordonne à ses
troupes de se mettre en marche vers l'Est.
A Detmold une colonne de Westphaliens
est écrasée, sur les rives de la Hase des troupes d'insoumis sont anéanties.
C'est alors que la campagne s'arrête : le roi se rend à Worms, où il doit se
remarier avec Falstrade, avant de prendre ses quartiers d'hiver dans sa résidence
de Herstal. Comme lors de chacune de ses absences, les Saxons vont fomenter
de nouveaux troubles.
En 784, Charlemagne doit revenir en Saxe
à la tête de son armée. Autant pour l'exemple que pour le butin, il ravage méthodiquement
la Westphalie et l'Ostphalie, puis effectue la jonction avec la nombreuse cavalerie
commandée par Charles, son fils aîné, et se dirige vers l'Elbe. Signe de l'importance
qu'il accorde à cette nouvelle expédition, cette année-là il ne regagne pas
son royaume mais passe l'hiver en Saxe. Il établit ses quartiers dans la forteresse
de Heresburg, plusieurs fois perdue et reconquise, où le rejoignent son épouse
et ses autres enfants. Il ne marque pas la traditionnelle trêve hivernale et
dépêche plusieurs colonnes en territoire saxon, surprenant l'ennemi et ne lui
laissant aucun répit. Il se montre impitoyable : les rebelles sont traqués et
tués; chaque lieu habité est toujours pillé et souvent brûlé. Récoltes et réserves
sont systématiquement saisies afin d'affamer les populations. Pour la première
fois, le roi des Francs pénètre sur les terres des Nordalbingiens, dans l'extrême
nord de la Germanie, entre l'Elbe et l'Eider, et n'y rencontre aucune résistance.
Mais
Widukind, l'intrépide et indomptable chef de la rébellion saxonne, reste insaisissable.
Cependant, les messagers envoyés par le roi, des Saxons, parviennent à le rencontrer
: s'il se rend, il aura la vie sauve. Widukind, méfiant, demande qu'on lui livre
des otages pour garantir cette promesse. Enfin, en 785, il se présente devant
celui qu'il défie depuis des années. Plus encore, lui qui a rallié ses partisans
sous la bannière du paganisme, accepte d'être baptisé. Sachant toujours se montrer
diplomate et pardonner lorsqu'il le faut, Charlemagne décide d'être son parrain
et lui offre de somptueux cadeaux.
Cet événement extraordinaire provoque une
intense émotion. Le pape Hadrien 1er écrit à Charlemagne pour le féliciter d'avoir,
"avec le secours du Seigneur et sur
l'intervention de Pierre et Paul, princes des apôtres, plié sous sa puissance
les cous des Saxons et conduit toutes les nations à la source sacrée du baptême".
Il commande des cérémonies grandioses pour fêter la victoire des chrétiens francs
sur les païens.
Pourtant, une fois de plus, les Francs ne triomphent pas
complètement. Ils n'obtiennent la soumission que d'une partie des Saxons, les
autres restant fidèles aux dieux qu'ils vénèrent depuis des siècles. La soumission
de Widukind pourrait bien rester sans suite. Pour avoir combattu les Saxons
depuis des années, pour les connaître comme ses ennemis les plus tenaces et
retors, pour avoir dû maintes fois reprendre des conquêtes remises en cause
dès qu'il avait quitté la région, Charlemagne a pleinement conscience de la
précarité de ces conversions. Plusieurs fois déjà, au cours des révoltes successives,
les églises ont été détruites, les missionnaires chrétiens ont été massacrer
ou ont dû s'enfuir. La christianisation, sur laquelle le roi compte pour pacifier
enfin ces territoires, ne pourra étre durable que si l'on encourage les missions
d'évangélisation, si l'on protège suffisamment les édifices du culte et leurs
servants, si l'on prévoit de sanctionner les reniements. C'est à cette fin qu'est
promulgué en 785 le capitulaire De Partibus Saxonis, qui dresse une longue
liste de "crimes" religieux et des châtiments implacables dont ils
seront punis. Ceux qui avoueront, se confesseront et se repentiront pourront
obtenir une remise de peine. Cette réglementation, qui reste cependant très
dure, se montrera un temps efficace : huit années durant, il n'y aura plus de
révolte en Saxe.
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