CHARLES III LE SIMPLE LE CHEF D'ETAT
LE TRAITE DE SAINT
CLAIR SUR EPTE : LES VIKINGS EN NORMANDIE
(911)
L'année 911 marque la fin de la menace
des peuples venus du Nord qui pèse depuis plus d'un siècle sur le royaume de France.
Habile autant qu'opportuniste, Charles le Simple profite de la situation précaire des
vikings de Rollon, basés à Rouen. Il met un terme à leurs exactions en cédant à leur
chef un fief héréditaire situé à l'embouchure de la Seine. Par le traité de Saint
Clair sur Epte, il signe ainsi la naissance de la Normandie.
Depuis quelques jours, on s'observe de part et d'autre de l'Epte. On ne sait toujours pas si la rencontre aura finalement lieu. Rollon tergiverse. Peut être pour sauver les apparences et ne pas montrer qu'après les échecs de ces derniers mois, il doute de sa puissance. Autour du bourg de Saint Clair, Francs et Vikings ont établi leurs cantonnements, chacun dans sa zone de contrôle. Mais le jour de la rencontre, Rollon se présente, entouré de ses hommes, au camp de Charles le Simple. Le roi attend, assis sur son trône au milieu de la foule des comtes et des barons venus en masse. La petite troupe des vikings s'avance. Elle paraît bien barbare aux Francs, sagement alignés et vêtus de leurs plus beaux atours. Rollon s'approche pour prêter hommage au roi et lui jurer fidélité. Mais au lieu d'incliner son imposante silhouette devant son nouveau seigneur, il saisit le pied de ce dernier et le porte à sa bouche pour le baiser. Perdant l'équilibre, Charles le Simple, brusquement renversé, tombe cul par-dessus tête. Les Francs s'agitent, on entend les épées glisser des fourreaux. Mais le roi part alors d'un grand éclat de rire, bientôt repris par toute l'assistance. Un rire qui célèbre à sa façon l'accord entre le royaume de France et les hommes du Nord enfin apprivoisés.
Arrivés en Neustrie aux alentours de 897, Rollon et ses vikings s'établissent dans la future Normandie bien plus qu'ils ne la ravagent. Ils prennent bientôt le contrôle des principales villes, comme Bayeux ou Evreux, et font de Rouen leur quartier général. A moitié sédentarisés, ils utilisent leur nouveau territoire comme tête de pont pour mener des actions contre les régions environnantes. Périodiquement, ils s'allient avec les Scandinaves basés sur l'estuaire de la Loire. Ces raids les mènent à l'assaut de Paris, en 910, puis de Chartres, l'année suivante. A chaque fois, ils sont mis en échec par Robert, frère du roi Eudes et duc de France, aidé du duc de Bourgogne. Profitant des revers normands, Charles le Simple propose alors un marché à Rollon. Il le sait fatigué de la vie militaire et désireux de s'installer puisqu'il ne peut regagner son pays d'où il a été banni. Son but est simple : attacher Rollon à une terre et lui en confier la défense. Le roi souhaite qu'une entrevue ait lieu à Paris ou à Chartres, lieux symboliques de la victoire franque. Le viking, lui, n'entend négocier qu'à Rouen. Un compromis est trouvé. On se rencontrera à Saint Clair puisque l'Epte, qui traverse le bourg, marque la frontière entre les deux zones d'influence.
Pour un homme libre du Nord, renoncer à
son autonomie pour se soumettre à un roi étranger n'est pas un mince sacrifice. Premier
duc de Normandie, Rollon reçoit le pays de Caux, le Roumois, le Lieuvin, l'Evrecin et le
Vexin sur la rive droite de l'Epte. Baptisé, il prend le nom de Robert et devient le
gendre de Charles le Simple dont il épouse la fille Gisèle. Le seigneur de la toute
nouvelle Normandie prend son rôle très au sérieux. Il entreprend la réorganisation
administrative de la province en s'appuyant sur une aristocratie naissante issue de ses
plus vaillants guerriers. Ceux-ci n'opposent aucune résistance à leur intégration. Ils
abandonnent même leur langue pour le roman et se font baptiser à l'instar de leur chef.
Le fruit de ces efforts ne met pas longtemps à mûrir. Treize ans plus tard, la Normandie
est augmentée des évêchés du Mans, de Séez et de Bayeux, puis, en 933, de ceux
d'Avranches et de Coutances. La province est alors devenue l'une des plus prospère et des
mieux administrée du royaume, sinon d'Europe.
Même s'il est en sommeil, l'instinct conquérant des Vikings ne s'éteint pas pour
autant. Cent cinquante plus tard, avec à leur tête le duc Guillaume, descendant direct
de Rollon, ils s'élanceront de nouveau sur les mers à la conquête, cette fois, de
l'Angleterre.
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