CHARLES II LE CHAUVE, CHEF D'ETAT

 

LE PACTE DE COULAINES
(NOVEMBRE 843)

En lutte avec ses frères pour la succession de feu Louis 1er le Pieux, Charles II le Chauve, roi des Francs depuis peu, doit impérativement se rallier les grands seigneurs laïcs et ecclésiastiques. C'est dans ce dessein que, en novembre 843, à l'assemblée de Coulaines, il va définir les règles qui modifient les relations entre la royauté et l'aristocratie.

Depuis la mort, le 20 juin 840, de son père l'empereur Louis 1er le Pieux, Charles II le Chauve est en lutte pour la succession avec ses deux frères, Lothaire 1er et Louis le Germanique. Ce conflit fratricide a conduit l'aristocratie à choisir son camp. Plusieurs grands ont quitté la Francie occidentale, et seuls quelques-uns sont restés fidèles au jeune roi, alors qu'il est en butte à la fois aux menées de son neveu Pépin II d'Aquitaine et aux raids des Vikings.

En août 843, peu après le traité de Verdun qui a scellé l'éclatement de l'empire carolingien, partagé entre les trois fils de Louis le Pieux, Charles le Chauve s'est mis en marche vers l'ouest. A la mi novembre, à Rennes, il menace de se venger de ceux qui "s'opposaient au pouvoir royal dans un esprit d'outrecuidance et de révolte". Mais il n'est pas assez puissant pour s'imposer par la force et doit trouver un compromis avec les grands. En novembre, avant que ses troupes ne prennent leurs quartiers d'hiver, il convoque le plaid au Mans. La ville, qui s'étend sur à peine dix hectares, ne peut accueillir la foule des aristocrates, et l'assemblée se réunit tout près de là, sur les vastes terres du domaine de Coulaines.
Devant les clercs et les laïcs, le roi des Francs fait acte de repentance, renonce aux mesures qu'il a prises "par inexpérience du pouvoir, par jeunesse, sous l'empire de la nécessité ou sous une influence trompeuse". Il promet de préserver les biens ecclésiastiques et admet la loi des puissants : "J'accorde que, Dieu m'aidant, je respecterai la loi particulière de chacun telle que l'ont connue ses ancêtres au temps de mes prédécesseurs pour toute dignité ou tout ordre".
En contrepartie de ces garanties, il exprime le voeu que l'épiscopat et les laïcs lui apportent concilium et auxilium, concorde et amitié. Il s'engage solennellement à maintenir l'ordre, la justice et la paix. En échange, les grands lui promettent aide et conseils.
Par ce pacte avec le clergé et la noblesse laïque, le roi innove en matière de politique. S'appuyant sur un contrat similaire à celui qui liera par la suite suzerain et vassaux, les accords de Coulaines modifient le droit royal : le souverain, qui n'est plus que le premier d'entre les grands, devra, avant d'engager toute entreprise, prendre l'avis de l'aristocratie et ne convoquera plus le plaid annuel à sa convenance, mais toujours en juin.

Charles Chauve espère ainsi éviter la division interne, entretenue par les menées souterraines de Lothaire 1er, qui menace l'unité du royaume, et se concilier les puissants. Mais Adalard, Vivien, Lambert, Nomonoé et les autres ne sont pas toujours disposés à le suivre loyalement. Des années durant, le souverain va s'efforcer, avec plus ou moins de succès, de rassembler autour de lui des seigneurs préoccupés avant tout de leurs propres intérêts, qui cherchent en permanence à accroître leur pouvoir et leurs zones d'influence et n'accordent pas toujours la priorité au service du royaume. Quant à l'aristocratie religieuse, elle a pour principal objectif la récupération de l'ensemble de ses possessions et regrette que le roi continue à attribuer aux laïcs de grandes abbayes.
Pris entre ces deux puissances, Charles le Chauve n'hésite pas à faire usage de la force et ordonne quelques exécutions pour punir les trahisons les plus graves. Il persévère néanmoins dans sa politique de conciliation et de tractations, tente d'enrayer les défections en réitérant son serment de sauvegarder les droits de ceux qui lui sont fidèles. En mars 858, il renouvelle et précise les dispositions et promesses établies à Coulaines.
Pourtant, quelques mois plus tard à peine, quand Louis le Germanique, à qui il a pourtant fait parvenir une copie du pacte, envahit la Francie, c'est grâce à la ferme intervention et à l'influence de l'archevêque Hincmar de Reims que le roi des Francs obtient le soutien promis par les grands et parvient à sortir de cette crise avec les honneurs. Pourtant, malgré les aléas de la politique définie à Coulaines, Charles le Chauve ne remettra jamais en cause les fondements du pacte.

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