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LA FRANCE, L'ANGLETERRE ET "L'AFFAIRE DE TAHITI"
En septembre 1843, la visite de la reine Victoria
a concrétisé l'Entente Cordiale entre la France et l'Angleterre.
Au début de l'année 1844, celle-ci a été solennellement
proclamée et ratifiée par les Parlements des deux pays. En France,
François Guizot, ministre des Affaires Etrangères et anglophile,
s'en est fait l'artisan, rompant ainsi l'isolement de la monarchie de Juillet
au sein des puissances européennes. Mais, à Tahiti, un pasteur
anglais s'est piqué de politique et va manquer de détruire cette
belle harmonie.
En ce milieu du XIXème siècle,
l'équilibre entre les grandes puissances européennes doit être
maintenu dans toutes les parties du monde. Le Gouvernement de Louis Philippe
considère qu'il est de son devoir de penser à étendre son
influence dans les régions les plus éloignées. Ainsi dans
les îles du Pacifique, où la France a pris pied par l'intermédiaire
de marins et d'explorateurs tels que Bougainville. Mandatés
par le pape Grégoire XVI, des missionnaires catholiques français
sont partis évangéliser ces îles lointaines. Mais, ils y
sont en concurrence avec des missionnaires protestants anglais.
En 1842, l'amiral Dupetit Thouars, commandant
de l'escadre du Pacifiue, a obtenu des habitants des îles Marquises l'agrément
d'un protectorat français. La population de Wallis, de Futuna et des
Gambleir a sollicité le même statut, ce qui a incité l'amiral
à s'intéresser à la perle des îles de la Société,
Tahiti. Or, la reine Pomaré IV a pour conseiller un certain Pritchard,
un pasteur anglican. Depuis 14 ans, celui-ci exerce, par le biais de sa triple
fonction de consul d'Angleterre, de ministre du culte et d'apothicaire, une
influence incontestable. S'étant découvert des dons politiques,
il a invité la reine à hisser le drapeau britannique, excellent
prélude à une annexion pure et simple. Il a même suggéré
à Lord Palmerston, ministre des Affaires Etrangères, de "protéger"
Tahiti, mais a essuyé un refus. En 1836, blessé dans ses croyances
et dans ses ambitions, il a fait expulser la mission catholique française
venue s'implanter à Tahiti et a tenté d'imposer le protestantisme
comme unique religion dans l'île. La France a réagi en dépêchant
un navire de guerre chargé de rétablir la liberté du culte
catholique. Une mesure qui a décidé Pritchard à se rendre
à Londres pour demander l'aide de son Gouvernement.
En septembre 1842,
l'amiral Dupetit Thouars, en croisière d'exploration dans le Pacifique,
a jeté l'ancre en rade de Papeete et a persuadé la reine Pomré
d'accepter le protectorat français. En 1843, Pritchard est rentré
d'Angleterre à bord d'un vaisseau de guerre, a suscité quelques
troubles et a persuadé la versatile souveraine de renier le protectorat
français. Toutes voiles dehors, Dupetit Thouars a fait route vers Tahiti,
animé d'intentions rien moins que belliqueuses. Il a proclamé
la déchéance de Pomaré, l'annexion de l'île à
la France et, pour faire bonnemesure, a chassé le pasteur consul apothicaire.
Des deux côtés de la Manche,
l'affaire Pritchard enflamme l'opinion. Les Anglais sont furieux de ce qu'un
marin français se soit mêlé de dicter sa conduite à
l'un de leurs compatriotes. La presse, le clergé et le peuple s'échauffent.
Et les hommes politiques ne font rien pour calmer la tempête. Au ebours
de Louis Philippe, qui ne veut ni metre la paix en péril ni saboter l'Entente
Cordiale pour une petite île du Pacifique. Le 26 février 1844,
le roi s'empresse de désavouer l'amiral Dupetit Thouars et renonce au
protectorat. Mais quand Guizot, dans son zèle conciliateur, va jusqu'à
proposer une indemnité en dédommagement, la France explose à
son tour. Comment? Désavouer un amiral, s'humilier devant un pasteur
apothicaire, traîner dans la boue le drapeau français? Quelle honte!
L'opposition réclame la guerre, demande réparation, insiste pour
que la France ne plie pas devant l'Angleterre, bourreau de Jeanne d'Arc et géôlière
de Napoléon. Elle en a assez du "juste milieu". Mais Guizot
garde son sand groid, soutenu par le roi et aussi, secrètement par Lord
Aberdeen, qui a succédé à Palmerston aux Affaires Etrangères
Outre Manche et pense que les cahutes de Pritchard ne valent certes pas un conflit.
Quand le ministre de Sa Très Gracieuse Majesté monte à
la tribune pour proposer une loi indemnisant le pasteur Pritchard, il est accueilli
par un concert d'imprécations. La loi sera votée, mais l'indemnité
ne sera jamais payée.
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Louis Philippe, chef d'Etat
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